par Noël Mamère, pour Reporterre
L’abandon de l’écotaxe et les cadeaux faits au transport routier vont coûter trois milliards d’euros à l’Etat.
La triste saga de l’écotaxe est, en soi, une métaphore de cet étrange quinquennat où le renoncement face aux lobbies est considéré comme une marque de courage tandis que frapper les chômeurs devient un marqueur de la détermination gouvernementale.
Ségolène Royal, qui avait déjà enterré la première version de l’écotaxe, vient de jeter une dernière pelletée sur ce qu’elle avait pourtant fait adopter au nom de sa croisade pour « l’écologie positive » contre « l’écologie punitive ».
Rappelons que cette écotaxe première mouture, votée par un Parlement unanime, sous Sarkozy, avait été remisée au placard avec le même discours qu’aujourd’hui. Déjà, le puissant lobby des patrons routiers avait menacé de partir en guerre contre ce qui n’est pourtant qu’une minime compensation face à la pollution de l’air et à la dégradation des routes qu’ils engendrent.
Rappelons encore la conclusion du calamiteux contrat avec la société Ecomouv’, signé par Nathalie Kosciusko-Morizet… Droite et gauche réunies ont donc une responsabilité commune dans cette affaire. L’UMP et le PS se sont couchés avec le même empressement devant le chantage au blocage de la France par les camionneurs.
On aura donc compris qu’au moment où chacun s’apprête à célébrer la si « belle » loi de transition énergétique, le principe « pollueur/payeur » est foulé aux pieds par ceux-là même qui ont la charge de le mettre en œuvre. Quelle régression ! Au lieu de montrer sa volonté de réorienter le développement des transports collectifs et notamment de renforcer le fret régional, le tandem Hollande-Valls s’est empressé de reculer une première fois devant la révolte des Bonnets Rouges, qui utilisaient la pollutaxe comme prétexte pour soulever les problèmes réels en Bretagne. Sans tenter de prendre à la racine une seule des aspirations bretonnes, il a mis l’écotaxe à la poubelle.
Devenue ministre, Ségolène Royal opta dès son entrée en fonction pour un discours hostile à l’écotaxe et, plus généralement, à la fiscalité écologique, totalement absente de la loi sur transition énergétique. Elle passa au-dessus des députés, du groupe de travail parlementaire appelé à renégocier la taxe et imposa unilatéralement ses vues en faisant adopter un projet de péage de transit réduit à quatre mille kilomètres au lieu des quinze mille prévus, délégitimant ainsi l’efficacité de la taxe. Pour quel résultat ? Le même que les précédents : l’abandon en rase campagne de l’écotaxe. Pour quelles raisons ? Parce que le lobby des poids lourds menaçait de bloquer le pays durant des semaines.
Les mêmes qui donnent de la voix pour faire adopter les politiques antisociales les plus injustes cèdent tout aux caprices d’une profession qui, elle, entend maintenir le statu quo au mépris de la santé des Français, de l’environnement et du simple bon sens. Et ce, toute honte bue, en pleine discussion sur la loi de transition énergétique et un an à peine avant la Conférence Climat, organisée à Paris en 2015.
C’est peu de dire que ce gouvernement n’a pas la fibre écologique. Cette culture lui est étrangère. A part contenter les gogos par des effets d’annonce qui ont le charme des fameuses promesses de Charles Pasqua – celles qui sont faites pour ceux qui y croient – la fameuse loi, présentée comme l’une des plus importantes du quinquennat, risque elle aussi de devenir un chiffon de papier, sans moyens financiers conséquents, sans fermeture de Fessenheim, sans contraintes sur le diesel, sans fiscalité écologique.
On se sera fait plaisir avec quelques amendements symboliques, telle la lutte contre l’obsolescence programmée, quelques avancées réelles comme la fin du plastique dans les grandes surfaces et quelques objectifs chiffrés pour 2030 ou 2050 en matière de réduction de notre consommation d’énergie…
Dans la réalité, alors que le budget du ministère de l’écologie connaît un recul énorme de 5,8 %, la fin de l’écotaxe signifiera l’abandon de dizaines de projets concrets de transports collectifs et durables, d’entretien des routes, qui auraient pu améliorer le quotidien des français.
Quant au cadeau fait aux patrons routiers, il s’inscrit dans une série d’avantages fiscaux qui alourdissent l’addition. Comme le note justement France nature environnement, le transport routier de marchandises a bénéficié depuis 2009 de mesures favorisant son développement, en anticipation de la mise en place de l’écotaxe. Ces mesures : réduction de la taxe à l’essieu, augmentation du dégrèvement des taxes sur le gasoil, généralisation du 44 tonnes, équivalent à 800 millions de cadeaux fiscaux concédés, auxquels il faut ajouter 1,2 milliard de manque à gagner annuel avec la suppression de l’écotaxe et 800 millions à payer au prestataire Ecomouv’ en cas de dédit. La facture grimpera vite et devrait approcher 3 milliards d’euros dès 2014.
Il faut donc revenir d’urgence sur ces cadeaux fiscaux et étendre la taxe de deux euros sur le diesel aux camionneurs qui en ont été exonérés. C’est un minimum.
Mais il faut aussi oser reposer le statut des autoroutes. La renationalisation coûterait cher, c’est vrai, mais n’est-elle pas indispensable si nous voulons, à terme, retrouver le contrôle de ce patrimoine commun qu’est le réseau autoroutier ?
Toute la politique actuelle de l’exécutif, ce concentré de social-libéralisme productiviste, s’exprime dans ce pitoyable abandon de l’écotaxe, gâchis programmé un an tout juste avant la conférence Climat , en 2015 à Paris.
Si ce gouvernement est « pro business », comme l’a clamé sans pudeur le Premier ministre à la City, il est assurément anti écologiste. Comme le dit Delphine Batho, après Cécile Duflot, on a bradé l’écologie sur l’autel des lobbies.
Dis-moi devant qui tu cèdes et je te dirai qui tu es !
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