Par Marion Armada et Nicolas Bard
Pressenza présente la synthèse de la conférence-débat « D’autres politiques sont-elles possibles ? Vers une révolution citoyenne » qui a eu lieu ce lundi 13 octobre 2014 à Grenoble, organisée par les Economistes Atterrés :
Intervenants :
- Pedro Paez : Directeur de l’autorité de la concurrence équatorienne, ancien ministre de la coopération économique ;
- Elisa Martin : Première adjointe à la mairie de Grenoble, membre du Front de Gauche ;
- Animé par Jean-François Ponsot : maître de conférences au CREG (Centre de Recherche en Economie de Grenoble), membre du CA des Economistes Atterrés.
Elisa Martin et Pedro Paez interviennent pendant 50 minutes. S’ensuit un débat avec les citoyens venus en masse (environ 200 personnes) pendant 1h30.
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Le thème de révolution citoyenne n’a pas été pris au hasard, il reprend le slogan utilisé en Equateur pour motiver la nouvelle politique mise en place par le président Rafael Correa. Alors qu’on fait bien trop souvent le constat qu’aucune alternative n’est possible aux actuelles politiques néolibérales en place, l’exemple équatorien montre le contraire. A une échelle plus locale, la nouvelle mairie de Grenoble envisage à son tour d’appliquer d’autres politiques.
Mme Martin rappelle que les dimensions et les enjeux ne sont pas les mêmes qu’à l’échelle nationale et internationale, mais qu’il y a « des chemins déjà parcourus qui donnent de l’espoir ».
Selon Mme Martin, la mobilisation citoyenne à Grenoble à pris de l’importance lors de combats locaux contre des projets où l’intérêt général était oublié (Lycée Mounier, rénovation du quartier de l’esplanade…). On y voit là le premier élément de la révolution citoyenne : les citoyens s’auto-organisent pour battre un système dans lequel l’intérêt général n’a plus cours et dans lequel les citoyens se sentent exclus. La première action est alors de se mettre à l’écart de l’intérêt privé. La mairie de Grenoble, en ce sens, à mis en place une série de décisions pour réintégrer la primauté de l’intérêt général dans les choix de politique (révision du PLU, enjeu de la gestion publique de l’eau), mais également dans le futur du gaz et de l’électricité, entre autres.
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La seconde phase de cette « révolution citoyenne » n’est autre que la reprise du pouvoir par les citoyens. Plus de la moitié de l’équipe municipale est composée de personnes non-membres d’un parti politique, résultat de la forte mobilisation citoyenne des dernières années. Pour rendre encore plus de pouvoir aux citoyens, la mairie va mettre en place les « Conseils citoyens », où tout habitant de Grenoble de plus de 16 ans pourra participer. Ces Conseils citoyens disposeront de budgets participatifs, l’idée est que si nous vivons ensemble, nous devons décider ensemble.
Pour M. Paez, il est important de revenir sur les trente dernières années du capitalisme néolibéral et sur la destruction que celui-ci à engendré. Il y a une oligarchie financière, un nouvel impérialisme qui tend à asservir et soumettre le peuple aux intérêts privés des plus riches, de la finance. L’Amérique du Sud, à l’instar de l’Equateur, à été le laboratoire d’essai de ces politiques néolibérales. Suite aux problèmes de sous-développement, les néo-libéraux ont tenté avec leurs politiques d’austérité de domestiquer la société afin de restructurer et de dominer les élites locales. Il y a eu en Equateur une forte destruction de l’appareil productif. C’est également ce qui se passe en ce moment en Europe. On impose des politiques libérales, d’austérité, qui ont des effets néfastes sur l’activité économique, et ils utilisent ces échecs de leurs propres politiques pour approfondir leurs mesures néolibérales. Il y a une destruction des capacités de l’Etat au profit du marché. Les conséquences sociales sont également importantes : en Equateur, environ 3 millions d’habitants ont quitté le pays (sur un total de 13 millions) à la fin des années 1990. La souveraineté monétaire à été abandonnée lors de la dollarisation de l’économie. Des tentatives de réformes les plus radicales ont été entreprises : dérégulation du marché du travail, privatisation de la sécurité sociale, privatisation de tout type d’activité stratégique. C’est exactement ce qu’il se passe actuellement dans la zone euro.
Cependant, grâce à un contexte international de changement de conjoncture, avec la rénovation de la gauche latino-américaine (Chavez au Venezuela, Kirchner en Argentine) et l’émergence d’une nouvelle semi-périphérie industrielle en Asie améliorant les prix internationaux pour les exportations équatoriennes, ces politiques ont trouvé la résistance de la société. En 2006, les citoyens ont trouvé en Correa le leadership pour conduire cette révolution citoyenne. Une alternative est depuis lors en marche.
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L’important est de récupérer l’espace politique macro, maso et micro économique, c’est-à-dire de récupérer la capacité réelle d’agir, malgré la situation de dollarisation en Equateur. Il est nécessaire de mettre en place une nouvelle articulation parmi la logique du capital et de l’économie solidaire. L’Etat doit récupérer sa capacité de planification, de définir les secteurs stratégiques. Il ne s’agit pas de revenir à un socialisme du XXème siècle en nationalisant toutes les activités économiques mais bien en récupérant la capacité de choisir les secteurs. Le plus important pour l’Equateur à été et est toujours de casser le processus de production de la pauvreté encastré dans le système capitaliste des pays sous-développés. Tout ceci sous la contrainte monétaire et financière, l’Equateur ne disposant pas de politique monétaire propre. Il faut donc inventer une politique de liquidité là où il n’y a plus de politique monétaire.
Les parallèles entre la situation équatorienne des dernières années et celle des pays membres de la zone euro aujourd’hui sont importants. Les avancées latino-américaines en termes de révolutions citoyennes peuvent être une source d’inspiration.