Crédit photo : Jefferson Bernardes
C’est le moment du calendrier sportif international ou des centaines de millions, voire des milliards de personnes dans le monde, se souviennent qu’elles ont une nationalité et qu’elles font partie d’une sorte de guerre ou des peuples de différentes nationalités sont engagés. Je fais référence à la Coupe du Monde qui vient de finir au Brésil mais je pourrais tout aussi bien parler des Jeux Olympiques ou de toute autre compétition sportive internationale. Chaque jour, naviguer sur Facebook devient une source d’amusement sans fin lorsque des amis du monde entier postent des messages quant aux équipes de foot qu’ils soutiennent.
Quels sont les symptômes de ce nationalisme de salon ?
Soudain, une hystérie collective commence à s’emparer de la population qui s’identifie de façon excessive à un pays. Pendant des mois, parfois des années, des personnes rationnelles ont une idée de leur nationalité se restreignant à une certaine proportion, mais tout à coup, lorsque le football commence, les gens commencent à accrocher des drapeaux à leurs fenêtres, à porter les mêmes t-shirts que les joueurs et vont jusqu’à peindre leurs visages aux couleurs du pays qu’ils soutiennent. Et les activistes sociaux, ceux qui devraient adopter un comportement plus sensé, ne sont pas en reste.
Ce phénomène est étrange puisque dans un même pays, la plupart des gens ne s’apprécient pas. Lorsque je vivais au Royaume-Uni, je ne partageais quasiment rien avec les personnes qui y sont nées, si ce n’est une langue et un sens de l’humour. Et pourtant, lors des Jeux Olympiques, je pleurais lorsque quelqu’un que je ne connaissais pas gagnait une médaille pour mon pays. Je criais de plaisir lorsqu’un coureur que je n’avais jamais rencontré (lui-même né en Somalie mais représentant le Royaume-Uni) remportait le doublé 5 000 m – 10 000 m au sprint. J’explosais de fierté lorsque Londres organisait les deux meilleures semaines de compétition internationale que je n’ai jamais vues. (Voyez-vous à quel point je peux me trouver emporté par l’hyperbole ?)
Pourquoi un tel phénomène a-t-il lieu ?
Je pense qu’il est important d’essayer de comprendre le mécanisme qui s’enclenche car lorsqu’une foule se regroupe autour d’un terrain de football ou le regarde à la télévision elle peut sembler inoffensive mais nous sommes à deux doigts de passer de l’arène du sport à l’arène de combat. (Comme si pour souligner ce point, à cet instant précis, Wayne Rooney marquait contre l’Uruguay et qu’un énorme sourire se traçait sur mon visage et que j’applaudissais spontanément).
Depuis la naissance nous sommes endoctrinés, guidés vers le patriotisme pour notre pays. On nous apprend à nous identifier à travers l’hymne national et dans certains pays, les gens se lèvent et portent leur main à leur cœur. À l’école, on nous enseigne les « héros » originaires de nos pays et les grandes contributions de notre pays en vers le monde. Je suis certain que si vous demandiez à n’importe quel jeune enfant quel est le meilleur pays au monde, il répondrait par le nom de son propre pays.
Chaque pays possède un curriculum éducatif qui renforce cette perception. Je me souviens très bien des semaines passées, à l’âge de 10 ans, à apprendre que le Royaume-Uni a gagné seul la Seconde Guerre Mondiale avec seulement une petite aide des États-Unis à la fin. Je n’ai appris le rôle de l’Union soviétique que bien des années plus tard.
Et bien sûr il y a les médias qui propagent le message nationaliste. Les organisations journalistiques publiques telles que la BBC au Royaume-Uni y sont obligées puisque l’État paie ce service et que la majorité des médias privés appartiennent à la droite conservatrice qui se plaît à promouvoir un programme nationaliste. La gauche possède aussi un passif où l’État, plutôt que le travail, était la valeur centrale.
Ce nationalisme, bien sûr, va dans le sens des politiciens dont toute l’existence au Parlement repose sur leur capacité à représenter les rêves nationaux de la population : les rêves que les politiciens ont réussi à nous mettre en tête grâce à un programme éducatif prédéfini.
Est-ce seulement une question d’amusement sur le terrain de football ?
Et bien non. Parce que c’est ce même nationalisme qui pousse des jeunes hommes et de jeunes femmes issus majoritairement de milieux défavorisés à rejoindre les forces armées. C’est cette « fierté patriotique » qui permet à nos politiciens d’envoyer nos jeunes en zone de guerre où ils risquent leurs vies au nom de la reine et de leur pays ou tout autre slogan pouvant exister dans les autres pays.
Sans cette identification de « notre nation » en guerre avec une autre nation, personne ne quitterait son foyer pour aller se battre dans un pays à des milliers de kilomètres.
Nous le voyons aujourd’hui dans les médias, « Le groupe terroriste ISIS prévoit d’attaquer l’Angleterre », annonce David Cameron selon le journal britannique The Telegraph. Tony Blair avait fait le même genre de déclaration lorsqu’il a dit à la Chambre des communes que l’Irak pourrait lancer une arme de destruction massive qui atteindrait le Royaume-Uni en 45 minutes.
Le Premier ministre britannique alimente délibérément le sentiment national, effrayant les gens dans leurs propres maisons pour pouvoir par la suite jouer le rôle du héros de guerre lorsqu’il envoie une fois de plus les troupes dans cet enfer qu’est devenu l’Irak depuis la guerre contre Saddam Hussein. (Non pas que l’Irak était un paradis lorsque Saddam était au pouvoir, mais ce n’était pas l’enfer que nous connaissons aujourd’hui).
La guerre est impossible si la population n’est pas assez nombreuse à s’identifier fortement à sa nation afin qu’elle soit convaincue de risquer sa vie pour la « sauver ».
Comment dépasser ce nationalisme mesquin ?
Nous devons d’abord reconnaître la manipulation à laquelle nous avons été soumis depuis notre plus tendre enfance puis commencer à nous accorder sur les valeurs que nous voulons communiquer à l’avenir. Quelles sont les valeurs utiles qui profitent à la vie, qui profitent aux êtres humains, à nous tous, peu importe où nous sommes nés ?
Nous parlons ici des valeurs d’une Nation Humaine Universelle, car assurément chaque être humain recherche des éléments tels que le bonheur, une vie faite de paix, la meilleure santé possible, des services éducatifs de qualité, une sécurité pour leurs vieux jours, de la nourriture de qualité, de l’eau et de l’énergie pour alimenter la maison, des amitiés enrichissantes et des relations personnelles avec d’autres êtres humains qui apportent joie et plaisir et même de l’amour, la possibilité de construire un projet avec quelqu’un d’autre ou seul et d’élever des enfants.
Voici les valeurs qui nous unissent et elles sont sans aucun doute meilleures que les empires, les royaumes et les mythes du passé qui sont aujourd’hui utilisés pour manipuler les naïfs et faire en sorte qu’ils partent en guerre ?
Alors la prochaine fois que vous serez assis dans votre fauteuil et que vous vous émouvez d’une compétition sportive, souvenez-vous que ce n’est pas parce que les membres de cette équipe proviennent de la même zone géographique qu’elle vous représente. Pas plus que vous ne les représentez.
Lorsque vous commencerez à vous émouvoir au son de votre hymne national, rappelez-vous que cette réaction a été conditionnée en vous depuis votre enfance alors que vous n’aviez aucun moyen de choisir les informations qu’on vous inculquait.
Et enfin, lorsque votre équipe perd à nouveau la Coupe du Monde, souvenez-vous simplement que les politiciens de votre pays ont raté une occasion fantastique de vous faire oublier l’état catastrophique de votre situation économique et, espérons-le, vous vous tournerez à nouveau vers cet activisme social que vous poursuiviez avant que ce virus du nationalisme de salon ne prenne le contrôle de votre capacité à penser rationnellement.
Traduction de l’anglais : Marion Grandin