Ce texte propose une séries d’alternatives concrètes à la crise que traverse l’Europe. Il contient dix-neuf mesures immédiates à prendre au niveau de la finance en général et de la banque en particulier. Au-delà de ces mesures, il propose la socialisation du secteur des banques et des assurances sous contrôle citoyen. Ensuite, il aborde les autres mesures à prendre pour une sortie de crise favorable à l’écrasante majorité de la population : stopper les plans d’austérité ; annuler la dette publique illégitime, insoutenable, odieuse ou/et illégale ; annuler les dettes privées illégitimes ou/et illégales ; augmenter les ressources des pouvoirs publics et réduire les inégalités par l’instauration de la justice fiscale ; réaliser des emprunts publics légitimes ; développer et étendre les services publics ; renforcer le système des retraites par répartition ; réduire radicalement le temps de travail pour garantir le plein emploi et adopter une politique des revenus pour réaliser la justice sociale ; questionner l’euro et agir pour une autre Europe ce qui implique de remplacer les traités actuels via un véritable processus constituant des peuples. Il s’agit de propositions soumises au débat.
A partir du début des années 1980, le secteur bancaire privé a réussi à se libérer des contraintes que les pouvoirs publics avaient établies et maintenues pendant plusieurs décennies afin d’éviter une répétition de la crise bancaire des années 1930. Les régulateurs et les gouvernements devenus adeptes du néolibéralisme ont laissé la bride au cou des banquiers capitalistes qui en ont profité au maximum. Le tout s’est déroulé dans un contexte où le grand capital prenait sa revanche sur une série de conquêtes sociales obtenues par les travailleurs dans l’intérêt de l’écrasante majorité de la population. L’actuelle crise qui a débuté en 2007-2008 n’a pas conduit les pouvoirs publics à imposer une véritable discipline au capital privé. Les quelques mesures adoptées et les mécanismes envisagés afin de remettre un peu d’ordre dans le secteur financier privé sont tout à fait insuffisants pour empêcher de nouvelles crises financières et pour mettre un frein aux comportements spéculatifs et dangereux des institutions financières.
Les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans la déclaration universelle des droits humains de 1948, codifiés dans un pacte international en 1966 |1|, font l’objet d’une vaste entreprise de démolition |2|. Les droits civils et politiques des citoyens |3| sont également remis en cause au quotidien par les gouvernements et les institutions internationales |4| au service du grand capital : les peuples ne sont pas consultés sur des questions aussi importantes que le sauvetage et l’avenir des banques privées, la privatisation des entreprises et des services publics, l’adoption de traités européens, les choix effectués par les électeurs ne sont pas respectés, la constitution est foulée au pied |5|, le pouvoir législatif est marginalisé ou réduit à une chambre d’enregistrement…
La crise financière s’inscrit dans un contexte plus large de crise systémique du capitalisme global, elle est multidimensionnelle : économique, écologique, sociale, politique, morale, institutionnelle,… |6|
Il faut rompre de manière radicale avec la logique qui guide aujourd’hui les gouvernements en place et prendre des mesures d’urgence. A l’opposé du système actuel qui offre l’impunité et des parachutes dorés aux responsables des débâcles, il est nécessaire de faire payer la facture des sauvetages bancaires à ceux et celles qui en sont responsables.
Les mesures annoncées pour discipliner les banques sont cosmétiques. La supervision centralisée des banques de la zone euro, la création d’un fonds européen de garantie des dépôts, l’interdiction de certaines opérations (ne touchant que 2 % de l’activité bancaire globale), le plafonnement des bonus, la transparence des activités bancaires ou encore les nouvelles règles bancaires ne constituent que des recommandations, des promesses ou, au mieux, des mesures tout à fait insuffisantes en regard des problèmes à résoudre. Or il faut imposer de véritables règles très strictes et incontournables.
Cette crise devrait être dépassée par la réalisation de mesures qui touchent la structure même du monde de la finance et du système capitaliste.
Le métier de la banque est trop sérieux pour être laissé dans les mains du secteur privé. Il est nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public |7| et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun.
La dette publique contractée pour sauver les banques est clairement illégitime et doit être répudiée. Un audit citoyen doit déterminer les autres dettes illégitimes, illégales, odieuses, insoutenables… et permettre une mobilisation telle qu’une alternative anticapitaliste crédible puisse prendre forme.
Ces deux mesures doivent s’inscrire dans un programme plus large qui est proposé dans cette contribution en commençant par des mesures immédiates à prendre dans le secteur financier.
La mobilisation citoyenne et l’auto-organisation sociale constituent la condition sine qua non à la réalisation des différentes solutions proposées ci-après. Sans elles, il n’y aura pas de véritable issue émancipatrice à la crise actuelle.
I. Mesures immédiates à prendre au niveau de la finance en général et de la banque en particulier
L’objectif fondamental qui doit être poursuivi au niveau bancaire, comme mentionné dans l’introduction, c’est la socialisation de tout le secteur bancaire. Ceci étant dit des mesures très concrètes et minimales peuvent réunir autour d’une plate-forme commune des mouvements, des partis et des personnes qui ne sont pas nécessairement d’accord entre elles sur l’expropriation du secteur financier afin de le socialiser.
Quelles sont ces mesures ? Voici une liste de 19 mesures concrètes.
1. Réduire radicalement la taille des banques afin de supprimer le risque « trop grande pour faire faillite » que représentent les banques systémiques |8|.
2. Séparation des banques entre banques de dépôt* (voir glossaire) et banques d’affaires*. Cela implique de démanteler les banques universelles* (mêlant les métiers de banques de dépôts, banques d’affaires et assurances) en les forçant à créer des entités juridiquement séparées |9|. Les banques de dépôt « seraient les seules institutions financières autorisées à collecter des dépôts auprès des épargnants et à bénéficier d’un soutien public (garantie publique des dépôts d’épargne et accès à la liquidité de la Banque centrale). » |10| Ces banques de dépôt ne seraient autorisées qu’à octroyer des prêts aux particuliers, aux entreprises et aux acteurs publics locaux et nationaux. Il leur serait interdit de mener des activités sur les marchés financiers.
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Source : http://cadtm.org/Europe-alternatives-a-la-crise