Sa sensibilité, son regard positif sur les autres, en particulier sur les plus démunis, son envie de les faire participer à cette société qui exclut tout ce qui n’est pas parfait, l’ont amenés tout au long de son parcours à se positionner de façon atypique.
Cette jeune créatrice, talentueuse, aurait pu se contenter de faire de la mode.Elle fait de la mode, c’est certain, ses collections dans le prêt à porté haut de gamme, ultra féminines, d’une qualité sans faille montre son souci d’exigence.
Cette même exigence qui la pousse plus loin, la mode, c’est bien mais cela ne lui suffit pas, alors pour la confection de ses vêtements, elle crée une entreprise de réinsertion par le travail.
Elle affirme : « On ne peut pas être une artiste en s’éloignant de son histoire. Je suis née aux Comores où nous sommes très proches de la nature, dans un environnement presque onirique. Je suis issue d’une famille nombreuse et dans ce cadre on apprend la générosité et le partage. Je crée la mode à la manière dont ma mère m’a élevée »
Arrivée à Marseille, elle intègre une école de mode, se plonge dans les livres relatant l’histoire de grands couturiers comme Cristobal Balenciaga ou Madeleine Vionnet et s’en inspire. Pas uniquement d’un point de vue stylistique, mais aussi, dit-elle : « Parce qu’ils ont créé de la valeur et qu’il ne faut pas l’oublier. La mode n’est pas que superficielle elle raconte autre chose ».
Alors, que raconte Sakina M’Sa quand elle récupère des bleus de travail usagés et qu’elle les réinvente avec de nouvelles créations ? En donnant une seconde vie à ces tenues d’ouvriers elle rend hommage à ceux et celles qui les ont porté et fait une mode qui a du cœur. Elle déclare : « Ce bleu est lumineux, il m’a permis de passer du noir à la couleur ». Parce que sa mode est joyeuse, enthousiaste, colorée.
On l’aura compris son parcours est jalonné de projets où la reconstruction du tissu social se mélange avec la construction des matières tissées.
A son arrivée en Seine Saint Denis, aux portes de Paris, elle organise des ateliers de couture pour les princesses africaines du 93. Depuis toujours Sakina a un profond respect pour le travail d’atelier, pour ceux et celles qui construisent, coupent, cousent, habilement, patiemment, les toilettes que d’autres femmes mettront en lumière sur le catwalk. Ce qui explique, à l’entrée de son défilé, affichées haut sur les murs, la présence de grandes photos des « artisanes » qui ont donné vie à ses créations et qui regardent d’un œil bienveillant la planète mode qui attend pour assister au show.
Sont inclus dans son mode de gouvernance les 3 piliers du développement durable :
- Environnemental avec l’emploi de tissus recyclés, fournis par quelques grands noms de la haute couture,
- économique et social : l’entreprise a l’agrément d’état « entreprise d’insertion.
Nous sommes bien loin de la fast-fashion, gaspilleuse. Nous sommes dans le soin et le raffinement, celui des hommes et femmes qui ont besoin de temps pour faire un travail d’orfèvre mais aussi pour se reconstruire et qui, points après points, referment leurs déchirures. « Rétablir l’estime de soi par la beauté du geste » selon la créatrice. Ainsi, l’insertion se réalise par le beau et la couture.
Il n’empêche que la mode a ses rythmes propres et que le défilé de la collection AH 14-15 intitulée « Amniotic graphic » de Sakina M’Sa a eu lieu la veille de l’ouverture officielle de la fashion week de Paris. Un travail axé sur la renaissance, le renouvellement, et une percée à l’intérieur de nos origines. Un style graphique, des découpes désobéissantes, des couleurs dont le bleu ouvrier évidement. Une collection à la fois fraiche et forte qui reflète la magie des rencontres et l’intensité de l’aventure commune.
Dans le quartier de la goutte d’or du 18ème arrondissement de Paris, des artistes aux mains d’or continueront à exercer leur savoir-faire, dans la bonne humeur, le respect mutuel, conduites par l’énergie positive et la passion de Sakina.