par Yorgos Mitralias
Quel pourrait être le rapport de la transition énergétique à la crise actuelle de la dette et aux politiques d’austérité draconienne qui en résultent un peu partout en Europe ? Ou en d’autres termes, comment se présente la transition énergétique non pas en théorie, mais en pratique, dans cette Europe balayée par la crise ?
Ce n’est pas seulement parce que je suis Grec que je vais illustrer cette problématique en me basant sur l’expérience concrète de mon pays. Si on va parler de l’exemple grec c’est surtout parce que la Grèce a été choisie par ceux d’en haut pour devenir le laboratoire des politiques néolibérales et de leurs conséquences sociales et aussi environnementales. En somme, parce que ce qui se passe en Grèce est emblématique de ce qui pourrait se passer presque partout ailleurs…
Alors, les mesures d’austérité imposées aux Grecs par la Troïka se traduisent au niveau de la transition énergétique par quelque chose d’inédit, de totalement imprévu : par une… transition vers un passé très, très lointain ! Un passé qui voyait les gens se chauffer en brûlant pratiquement n’importe quoi, non seulement dans leurs cheminées, mais aussi dans des braseros de fortune. Exactement comme le fait depuis 2-3 ans la majorité des Grecs qui n’a plus accès aux différents moyens de chauffage des temps modernes !
La raison de cette situation, qui fait ressembler –la nuit tombée- les principales villes grecques à Londres aux temps lointains du… smog, est à rechercher à l’augmentation vertigineuse du prix du fuel imposée par la Troïka –et son fidèle serviteur, le gouvernement grec- aux usagers grecs dont le pouvoir d’achat avait déjà été divisé au moins par deux. Ne pouvant donc plus acheter du fuel, la majorité des grecs s’est rabattue depuis 3 ans sur le chauffage au bois. Mais, attention, pas n’importe quel bois, vu que le bois vendu au marché est inabordable par la plupart des Grecs.
C’est donc pourquoi on voit les habitants d’Athènes, mais surtout de Salonique et des autres villes du nord de Grèce, brûler dans les cheminées ou des braseros de fortune… tout ce qui peut être brûlé : bois, journaux, branches d’arbres, pneus, cageots, portes et fenêtres arrachées, vieux meubles, même le contenu des poubelles. Sauf que ces matériaux sont d’habitude hautement toxiques car imbibés de substances chimiques comme de la peinture, de la colle, etc…
Les conséquences de ce type de « transition énergétique » imposée à tout un peuple par les politiques néolibérales sont dramatiques : des dizaines et des dizaines des Grecs asphyxiés par les fumées dégagées par ces moyens de chauffage improvisés ou même brûlés vifs dans leurs maisons en feu. Mais surtout, selon les spécialistes scientifiques, des milliers et des milliers de morts dans les années à venir parce que les particules fines en suspension qui remplissent l’air des villes grecques dépassent de 3, 4, 5, ou même 6 fois les niveaux d’urgence et font très mal à la santé en se fixant dans les poumons, en passant dans le sang et en étant –selon l’Organisation mondiale de la Santé- très cancérogènes. Sans évidemment oublier qu’on assiste désormais en Grèce à la multiplication des dégâts collatéraux comme la déforestation accélérée du pays par des spéculateurs ou tout simplement par des pauvres gens désespérés qui se rabattent sur tout ce qui peut procurer du bois de chauffage gratuit ou bon marché.
Mais attention : la situation aurait pu être bien pire si les températures hivernales n’étaient pas cette année, en Grèce, tout à fait exceptionnelles, c’est-à-dire les plus douces depuis 60 ans. Ce qui d’ailleurs permet encore au gouvernement Samaras de faire l’économie d’une révolte populaire quand il se limite, en tout et pour tout, à lancer des appels aux citoyens tremblants de froid pour qu’ils n’allument pas des feus de cheminée !…
Conclusion : cette « transition énergétique » à la grecque aux temps de la barbarie néolibérale devrait faire réfléchir surtout ceux qui persistent encore à croire à la prétendue… « inéluctabilité du progrès ». Car désormais, malheureusement, tout, et surtout le pire, est possible. À nous, donc, de trouver au plus vite la parade qui ne pourrait être qu’écosocialiste !