À l’apogée des négociations sur les nouveaux contrats miniers entre l’État du Niger et Areva, après l’expiration des précédents accords le 31 décembre dernier, cette compagnie française de l’uranium a interrompu sa production à Arlit dans les sites gérés par Cominac et Somair, sociétés dont l’actionnaire majoritaire est précisément ce groupe de l’ancienne puissance coloniale. Pourtant, les travailleurs se trouvent sur les sites de ces deux structures de la ville septentrionale à la demande expresse des autorités locales, bien que les installations soient à l’arrêt, tel que l’a confirmé depuis Arlit Salifou Chipkaou, vice-secrétaire général du Syndicat nigérien des mines (Synamin). Pour justifier sa décision, la direction d’Areva a argué d’un “vide juridique”. Pourtant, il y a encore quelques jours, le bureau de presse de la compagnie française avait soulignait que la date du 31 décembre ne représentait pas le dernier délai pour stipuler de nouveaux accords avec les autorités du Niger.

“Je confirme que les deux sites sont à l’arrêt depuis le 1er janvier. Il s’agit d’une énième manifestation d’une tentative permanente d’Areva pour faire pression sur le gouvernement. En pleines négociation, on peut vraiment le considérer comme un vrai chantage”, déclare à la MISNA Ali Idrissa, coordinateur du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse de budget (Rotab), contacté dans la capitale Niamey. S’adressant au président Mahamadou Issoufou, ce militant du Rotab rappelle que “c’est le chef de l’État du Niger et non pas de la France, c’est pourquoi il faut qu’il tienne bon pour défendre à tout prix les intérêts de son pays”. Pour Idrissa, après plus de 40 ans d’exploitation des ressources minières par Areva, “le moment est venu que l’uranium et les autres ressources fassent la fortune et le bien-être des Nigériens”.

Depuis plusieurs mois, la société civile ainsi que le gouvernement de ce pays du Sahel dénoncent un partenariat “déséquilibré” en faveur de la compagnie française. L’uranium représente 70% des exportations du Niger mais ne contribue qu’à hauteur de 5% au produit interne brut (Pib), et a provoqué de surcroît au cours des dernières décennies de graves dégâts pour l’environnement et pour la santé des populations riveraines. Au cours des 40 dernières années, seuls 13% du montant global de l’uranium exporté auraient été encaissés par l’État du Niger. “Derrière Areva, il y a l’ancienne puissance coloniale (actionnaire à hauteur de 80% dans la compagnie, Ndlr) qui exploite à son seul profit depuis plus de 40 ans notre uranium avec sa multinationale prédatrice, avec la complicité des dirigeants nigériens”, ajoute Idrissa, qui observe que les négociations se déroulent dans un contexte régional particulièrement “complexe”, en référence à la menace de terrorisme d’inspiration islamiste qui s’est abattue sur le Niger, au-delà du Mali.

Le 21 novembre dernier, des centaines de personnes ont manifesté dans les rues de Niamey pour dénoncer le partenariat “déséquilibré” du pays avec cette compagnie du nucléaire. La protestation convoquée à Arlit a été pourtant interdite par les autorités locales. De son côté, Areva soutient qu’en 2012, 70% des recettes ont été encaissées par le Niger et “seules” 27% par la compagnie, qui continue de refuser la mise en application de la nouvelle convention minière de 2006, y compris pour ses filiales. Les négociateurs d’Areva se réfèrent à une clause de stabilité de 75 ans contenue dans un contrat minier datant de 1968.

(VV/CN)