Pour reprendre en main Bercy, le premier ministre s’apprêterait à nommer un banquier à la Direction du Trésor. Sans doute le ministère de l’économie était-il insuffisamment ferme face à la démagogie anti-banques. Cette nomination va enfin permettre à l’État de servir pleinement le secteur bancaire, ce fleuron de la compétitivité française. Le mouvement de pantouflage inversé doit s’amplifier afin que les grands banquiers soient de plus en plus nombreux à faire bénéficier de leur talent la haute administration.
François Villeroy de Galhau, directeur général délégué de BNP-Paribas, pourrait succéder Ramon Fernandez à la Direction du Trésor. Ramon Fernandez a sans douté été trop timide dans son action au service de la finance. Bien sûr il a réussi à convaincre les députés socialistes de voter une pseudo-loi de « séparation » des activités bancaires spéculatives qui ne concerne que 3% de l’activité des banques. Mais il n’a pu empêcher les députés d’imposer un peu de transparence sur les activités des banques dans les paradis fiscaux. Certes il a contribué à vider de tout sens le projet de banque publique d’investissement, multiplié les cadeaux aux banques (Livret A, amnistie sur les emprunts toxiques…)1 et contribué à l’actuelle offensive française contre le dangereux projet de taxe Tobin élaboré par la Commission européenne. Mais son action demeure encore trop timide aux yeux des banquiers, qui préfèrent prendre les choses en main directement.
L’expérience de François Villeroy de Galhau à BNP Paribas en fait un garant encore plus crédible de la crédibilité financière de l’État, c’est-à-dire de l’alignement quotidien et millimétrique des décisions réglementaires et budgétaires de la France sur les attentes des marchés. Sa connaissance intime des rouages financiers lui permettra de renforcer la guérilla incessante et jusqu’ici victorieuse que mène Bercy contre les velléités de régulation financière au plan national et européen.
Il est temps de renoncer à une déontologie d’un autre âge
L’actuelle réglementation sur les conflits d’intérêt et le pantouflage, inopérante et hypocrite, doit être abolie. Elle n’a empêché ni la nomination de François Pérol, directeur-adjoint de cabinet de l’Élysée, à la tête du groupe BPCE (Banques populaires Caisse d’épargne), ni celle de Xavier Musca, le successeur de François Pérol à l’ Élysée, à la tête du Crédit Agricole, ni aucune autre nomination. Au point qu’on ne parvient plus à compter le nombre des énarques–inspecteurs des finances en poste au sommet des grandes banques françaises 2, pour le plus grand bien de leurs actionnaires.
La fusion entre les élites financières et administratives est souhaitable et irréversible. Trêve de fausses pudeurs, il faut désormais accélérer les allers-retours entre haute finance et haute administration. Pour attirer les talents nous suggérons à Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici de garantir le maintien des bonus et des stock-options des banquiers venus oeuvrer à Bercy. Ainsi les marchés financiers, mis à l’abri des tentations démagogiques et de la pression des électeurs, seront-ils définitivement rassurés.
Attac France, qui préfère en rire qu’en pleurer
- 1. Voir l’article de Martine Orange, http://www.mediapart.fr/journal/france/211113/matignon-sattaque-la-citadelle-de-bercy?page_article=3
- 2. Jacques de la Rosière (BNP Paribas), Beaudouin Prot (BNP Paribas), Michel Pébereau (BNP Paribas), Frédéric Oudéa (Société Générale), Daniel Bouton (Société Générale), Pierre Mariani (Dexia), Mathieu Pigasse (Lazard), Philippe Wahl (Banque postale), Gilles de Margerie (Crédit Agricole), etc …