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Déjà en juin, après avoir donné le feu vert de la France à l’ouverture des négociations pour la création d’un grand marché transatlantique (GMT), Mme Bricq, ministre du commerce extérieur, s’était fendue d’un communiqué de quatre pages pour dire le contraire de la vérité (voir mon billet du 28 juin 2013). En réponse à une lettre ouverte qui lui a été adressée par Attac et l’Aitec-Ipam, elle récidive.
Elle affirme partager le souci de transparence des auteurs de la lettre à propos du contenu des négociations qui ont commencé le 8 juillet à Washington et qui viennent de connaître une deuxième session à Bruxelles. Elle affirme avoir « dénoncé à plusieurs reprises l’opacité des négociations en cours» en oubliant d’indiquer qu’elle contribue elle-même à cette opacité. Car, si l’opacité est sa véritable préoccupation, qu’attend-elle pour rendre public le texte du mandat – soutenu par le gouvernement PS-EELV – qui a été confié à la Commission européenne pour ces négociations, dont la seule version officielle est en anglais ; un document frappé de la mention « restricted » (diffusion restreinte) ?
Elle prétend avoir le plus grand souci d’informer la société civile de l’état d’avancement des négociations et qu’il s’agit même-là d’un « droit non-négociable ». Plus les formules sont fortes, plus il faut s’en méfier. Car, Mme Bric a créé un « comité stratégique » composé de onze personnes : parlementaires, représentants d’entreprises et économistes. A une exception près, tous sont favorables au grand marché transatlantique et, comme d’habitude, les personnalités présentées comme des économistes sont proches de monde des affaires (ceux qu’on enverra sur les plateaux de télé défendre le GMT UE-USA) . Il semble que le «droit non-négociable» à l’information ne concerne ni les syndicats, ni les ONG qui sont absents de ce comité stratégique présenté par Mme Bricq comme «une instance de dialogue et d’échanges» Le dialogue et l’échange au service de l’intoxication et de l’enfumage.
Comme en juin, Mme Bric se flatte d’avoir défendu l’exception culturelle. Faut-il rappeler que seul l’audiovisuel est – provisoirement – sorti de la négociation (ce que M. Barroso a qualifié de « réactionnaire », justifiant ainsi l’insertion dans le mandat de négociation d’un article 42 qui lui permettra de remettre l’audiovisuel à l’ordre du jour) ? Ce qui signifie que tous les autres secteurs de la vie culturelle (les théâtres, les opéras, les bibliothèques, les archives, le patrimoine, etc) vont tomber sous le coup de ce grand marché et se verront appliquée, comme annoncé aux articles 2, 3 et 15 du mandat de négociation, la généralisation des règles de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS).
Comme en juin, Mme Bricq se flatte que le mandat de négociation « soit précis sur la protection de l’environnement, des travailleurs et des négociateurs ». Comment accorder le moindre crédit à de tels propos qui sont démentis par les politiques du gouvernement français et par le soutien de ce gouvernement aux politiques européennes qui consacrent la primauté de la concurrence sur le droit social, qui démantèlent le droit du travail, qui privatisent les services publics, qui favorisent l’agro-business? Quand on sait que l’Union européenne attaque le gouvernement canadien pour des dispositions fiscales de nature à protéger l’environnement, comment croire un seul instant les propos de Mme Bricq ?
Par contre, il est une phrase de la ministre à laquelle on peut accorder du crédit. C’est quand elle écrit » Je pense sincèrement que le traité transatlantique peut contribuer à ces objectifs en démultipliant les partenariats entre nos deux continents, et en facilitant le développement des PME et des entreprises de taille intermédiaire, au cœur de la stratégie pour l’emploi du gouvernement. » Cette phrase est sans nul doute la plus sincère et incontestablement la seule qui ne mente pas : elle adhère pleinement au principe du grand marché transatlantique UE-USA. Mais de cela, personne ne doutait.
Source : http://www.jennar.fr/?p=3199