Par Jean-Marie Collin, « Blog Défense et Géopolitique, Alternatives-Internationales »
Et oui cette fois, le calendrier est lancé, une date est même proposée et des parlementaires multiplient les annonces dans ce sens !
Poker : Dans la nuit du 20 au 21 novembre les FAS ont mené un raid en configuration complète selon le journaliste JM Tanguy, impliquant de nombreux appareils : Mirage 2000NK3 et Rafale F3 et l’escadron de ravitaillement GRV Bretagne. Rappelons que la doctrine officielle est que cette composante a pour mission de réaliser une frappe d’ultime avertissement nucléaire, qui aurait pour but de bien faire comprendre à notre adversaire que la France est prête à lui envoyer –en cas de poursuite de l’agression – une salve complète de missiles balistiques (M51, chacun pouvant être chargé de 6 ogives de 100 à 150 Kt).
Il faut être conscient que cette frappe, réalisée à partir de missiles ASMP-A, signifie l’utilisation d’une ogive nucléaire de type TNA dont, selon les sources officielles, sa puissance serait de 300 Kt. Rappelons que la bombe d’Hiroshima était de 15 Kt. Or, selon les informations sur cet exercice Poker, plusieurs avions ont emporté des missiles ASMP-A (maquette évidemment sans charge nucléaire). Par conséquent – mais sur un plan militaire cela apparaît tout à fait logique – cela signifie bien qu’en cas d’emploi des FAS, cette frappe d’ultime avertissement, impliquerait l’emploi de plusieurs missiles. Non pas deux, car la redondance n’est pas assez importante (faille du système, destruction des appareils avant leur mission par l’adversaire, etc, etc, ), mais au grand minimum 3 ; même si des indices laissent supposer être plus proche de la dizaine. Donc l’avertissement est en réalité une frappe d’anéantissement
Le Député Philippe Foliot (Tarn) en charge des questions de défense à l’UDI (que j’ai rencontré au nom de l’organisation que je représente en France le PNND) a décidé de rejoindre le positionnement d’un ancien ministre de la défense (co-fondateur de l’UDI) Hervé Morin. Certes il est un peu moins tranchant dans sa prise de parole, mais la réflexion a fait son chemin et son choix semble être arrêté : « Même si la deuxième composante va pouvoir durer jusqu’en 2030, il faut néanmoins d’ores et déjà se poser la question de sa suppression. Celle-ci doit se faire de manière progressive. Un abandon trop brutal de cette composante n’aurait pas de sens car il ne dégagerait pas d’économies suffisantes pour donner des moyens supplémentaires à nos forces conventionnelles. »
Le Député Hervé Mariton (UMP), quant à lui n’attaque pas directement cette composante, mais toute la force de dissuasion nucléaire, comme le montre son intervention, lors de son explication de vote au nom des groupes sur l’ensemble du projet de loi de finances : « Ce budget est irresponsable. Le recours immodéré à la débudgétisation masque le dérapage des dépenses : 900 millions sur la formation professionnelle, 1,5 milliard d’investissement d’avenir sur la défense, expédient budgétaire, monsieur le ministre, pour financer quoi ? Rien de moins que la dissuasion ! ».
Rappelons que quelques semaines plus tôt les députés EELV, Denis Baupin ou encore François de Rugy (EELV) avaient lors des débats tant sur la LPM que sur le projet de loi de finance défense de 2014 multiplié les interpellations sur ce sujet : « Je m’étonne de l’absence totale de débat au Parlement à ce sujet alors que les questions ne manquent pas » (FDR)
Bruit de fond : Incontestablement, celui-ci devient de plus en plus important au sein de tous les groupes politiques (hormis les députés du Front National). Désormais, il n’est plus tabou de parler de dissuasion nucléaire, de s’interroger, de poser des questions qui fâchent. Bref, la porte est ouverte sur ce sujet si longtemps caché. Ainsi, les questions de :
- De l’utilité de la composante aérienne devient de plus en plus fréquente ;
- Du coût non budgété du démantèlement d’un grand nombre d’infrastructures (Pierrelatte, Marcoule) comme des réacteurs nucléaires équipant les SNLE, SNA et le porte-avions ;
- De la multiplication du coût de certains programmes : Laser mégajoule, SNLE-NG, Barracuda…
Il est évident que pour autant cette réflexion naissante ne signifie pas chez nombre de ces parlementaires une remise en cause totale de la dissuasion (cas de M Foliot par exemple) ; néanmoins il y a fort à parier que de plus en plus de parlementaires vont se rallier à cette idée. Après tout, même si le rapport Bui est loin de remettre en cause la dissuasion nucléaire, il pose – deux ans après le Sénat – une nouvelle fois la question de l’Avenir des forces nucléaires… preuve du doute !
Source : http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/2013/11/22/la-fin-des-forces-aeriennes-strategiques/