Par Katu Arkonada pour Alai-Amlatina (*)

L’art de frauder avec l’achat de votes, la coordination de médias et l’« Ambassade »

Cet article a été écrit avant les élections du 23 novembre 2013.

Ce que nous avons vécu ces derniers jours au Honduras mérite une analyse beaucoup plus profonde, mais à titre de réflexion préliminaire et de synthèse, nous pouvons dire que la volonté majoritaire de refonder le pays manifestée par le peuple hondurien a été interrompue par les élites politiques et économiques. Tout cela, en outre, en subissant un niveau d’ingérence de la part de l’Ambassade des Etats-Unis jamais vu auparavant.

En ce moment nous pouvons parler d’une situation en suspens au Honduras où le Tribunal Suprême Électoral 30 jours pour donner des résultats définitifs et déjà 3 candidats se sont déclarés vainqueurs des élections. La différence entre Juan Orlando Hernández et Xiomara Castro, candidate de LIBRE, a commencé par être de 7 points en faveur du Parti National, a baissé et se trouve actuellement à 5 points, tandis que le dépouillement continue, et tout paraît indiquer qu’on va vers une quasi égalité, avec une différence dont on se fait pas encore en faveur de qui, de l’ordre de 1 point de différence. La situation et le scénario qui se dessine relève de l’incertitude et on ne peut écarter la possibilité de nouvelles élections.

Pendant ce temps, dans un État failli comme le Honduras où le caractère institutionnel est pratiquement inexistant, les représentants politiques des groupes économiques et les représentants économiques des groupes politiques, continuent à négocier des voix et des postes de députés et se sont approchés des candidats de LIBRE pour leur suggérer que s’ils veulent voir confirmer leur élection ils doivent s’acquitter d’ une certain quantité d’argent ou s’engager sur quelques futures faveurs.

Généalogie d’une fraude

Dans les rues honduriennes, on n’a aucun doute que LIBRE a gagné les élections et a été victime d’une fraude commise par une stratégie parfaitement organisée et conçue par J. J. Rendón et l’Ambassade des Etats-Unis. Si à un moment nous arrivons à croire dans la victoire de LIBRE, ce coup d’état électoral vu dimanche et retransmis en direct à la télé nous renvoie à la réalité et démontre que parfois la gauche pêche par innocence et la droite est parfaitement articulée tant au niveau de médias comme sur le plan international.

Il y a plusieurs niveaux à cette fraude dans laquelle le moins important est l’achat de votes dans des zones populaires et des régions les plus pauvres à travers la livraison de paniers repas le même jour que les élections par des délégués du Parti National. Mais il y a deux niveaux sur lesquels il est nécessaire de s’arrêter. D’une part, un niveau plus central et clef comme est le Tribunal Suprême Électoral lui-même, dont le président David Matamoros est militant et ex député du Parti National. Le Tribunal Suprême Électoral a commencé la nuit du dépouillement à publier des PV (procès verbaux) de zones où il gagnait les bureaux de vote, où est le PN est connu de façon populaire, tandis qu’en même temps il envoyait à l’audit près de 20% des PV (qui représentent 400 000 votes) de territoires comme le département de Santa Barbara où le vote majoritaire est pour LIBRE. Dans l’équipe de coordination électorale du parti « Liberté et Refundación » (LIBRE) on a la certitude qu’environ 75% des PV contrôlés sont gagnés par Xiomara. Tout ce qui précède est effectué dans le but de créer la sensation que le Parti National a gagné les élections, et sème mécontentement et méfiance, et en incitant nombre des assesseurs représentants de LIBRE à abandonner les tables après le dépouillement des votes, en laissant la voie libre pour la manipulation des données dans le comptage des députés et des maires.

L’autre niveau est précisément territorial, car depuis le niveau local, on a commis une fraude nationale. Les candidats présidentiels étaient 8 de 9 partis différents et chaque parti avait 2 permis pour ses représentants dans chacun des bureaux de vote (16 000 dans tout le pays). Toutefois, dans des centaines bureaux de vote , comme nous avons pu vérifier personnellement dans les PV scannés envoyés au TSE, le vote de ces 4 candidats était de 0 voix. Ceci signifie que même les représentants de ces partis dans chaque commune n’ont pas voté pour leur candidat, vendant leurs permis au Parti National. Les candidats de ces 4 partis, Démocratie Chrétienne, Alliance Patriotique du putschiste Romeo Vásquez Velásquez, Unification Démocratique et PINU, n’atteignent pas les 4, 1% des voix dépouillées jusqu’à présent. Il est clair qu’ils se sont présentés aux élections pour faire un arrangement avec les droits de vote accordés par le TSE.

Toute cette stratégie de fraude a été accompagnée dimanche par une, et il faut la reconnaître parfaite, stratégie médiatique dans laquelle le summum fut l’appel de félicitation du Président de la Colombie, Juan Manuel Santos en plein milieu du discours du candidat du Parti National. De même, l’actuel président du Honduras, Porfirio Lobo, a aussi reconnu comme vainqueur le candidat de son propre parti quand il restait encore 1 million de voix à dépouiller et la différence malgré la fraude est seulement de 100 000 voix.

Un regard vers l’avenir

L’idée de 8 années de suite d’un gouvernement du Parti National terrifie rien que d’y penser, mais elle est plus vrai que jamais. Le peuple hondurien a fait un effort immense, en réussissant à construire un outil pour la transformation et la refondation du Honduras, nommé LIBRE et le premier objectif en ce moment doit être de défendre la victoire de la candidate Xiomara Castro vote par vote, mais peut-être faut-il commencer à se poser la question que dans un scénario où le Parti Libéral (20% des votes) n’a pas été coulé malgré le coup d’État, et où le Parti National a beaucoup de force malgré la fraude commise, la gauche a besoin de parcourir encore du chemin pour atteindre la maturité politique qui lui permettra de gagner les élections avec un projet identifié par les secteurs populaires passant au-dessus de tout type fraude et d’ingérence. Aussi à un certain moment il est nécessaire d’analyser le rôle du Parti de l’Anti Corruption, qui est devenu la troisième force du Honduras, qui dans un premier temps fut méprisé par tous les partis, y compris LIBRE. Le PAC a mieux canalisé que la gauche le vote antisystème, avec un discours populiste et de droite, mais qui a percé dans plusieurs secteurs de la population, notamment au sein la jeunesse.

L’objectif au-delà de la défense du vote pour la candidature de Xiomara, doit être d’assurer un bon pourcentage de maires et de députés de LIBRE, ainsi que de maintenir la cohésion d’un parti fragile idéologiquement, dans lequel la gauche, les mouvements sociaux et les secteurs provenant du libéralisme se sont unis dans le but de casser le bipartisme traditionnel.

C’est le moment de commencer à penser à (re) construire le parti, le consolider politiquement, idéologiquement et en terme d’organisation pour transformer une fois pour toutes le projet politique de tout un peuple, de toute une nation, d’un Honduras libre et souverain.

(*) Katu Arkonada se trouve au Honduras comme observateur électoral et accompagnant international de Libre.

Article original en espagnol : Del golpe de estado al golpe en las urnas, 26 novembre 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

Source : http://www.elcorreo.eu.org/Honduras-Du-coup-d-etat-au-coup-dans-les-urnes