« Gratiferia » : vous avez peut-être déjà entendu ce terme, qui, pour des oreilles françaises évoquent plutôt les graffitis ou le graphisme, et dont la traduction exacte est : marché du gratuit. Ce concept a vu le jour en Argentine, il y a maintenant trois ans : de déménagement en déménagement, un jeune homme s’était aperçu qu’il avait besoin de beaucoup moins d’objet qu’il en possédait. Alliant ses actes à sa pensée, il s’est mis à distribué le superflu : la gratiferia était née. Le concept répond à quelques règles autour de l’idée de la gratuité : un lieu public, ouvert à tous et sans aucun droit d’entrée. Avec un message simple : « Amenez ce que vous voulez ou rien du tout. Repartez avec ce qui vous plaît ».
La gratiferia n’est qu’une idée simple qui prend corps dans le monde du tangible. Simple, mais profonde comme le montre ces témoignages, récoltés un dimanche matin, début octobre, lors d’une gratiferia organisée par le Mouvement des Colibris à St Maximin, une petite ville du Var. Ce matin-là, dès 9h, quelques personnes installaient sur des bâches à même le sol des vêtements, des bibelots et toutes sortes d’objets. Il y avait même du café, de la tisane dans des thermos, des gâteaux.
« Tout est gratuit, c’est incroyable dit une vieille dame, je n’ai jamais vu ça ! C’est beau à vivre, conclue-t-elle. Pour certains, ce n’est pas si simple : « J’ai du mal à prendre, on est tellement habitué à tout payer ». D’autres s’enthousiasment : « Ça donne du baume au cœur, et ça donne envie de donner» ou plaisantent « d’ici, tu peux partir sans courir, t’as le droit de prendre sans payer ! ». Et ces beaux sentiments, accompagnés d’actes, n’empêchent pas la réflexion : « Je participe parce qu’ il faut rentrer dans une société d’échange, de partage. La société de consommation nous somme d’être con et on en a marre ! On veut contribuer à changer les mentalités pour créer un monde de gratuité et d’abondance ».
Partie d’une constatation simple « je n’ai pas besoin de m’encombrer de tant de possessions » poursuivie par un acte en cohérence, ce concept traverse l’océan mu par un élan profond, surgit du cœur autant que de la tête. Il témoignage d’un changement de mentalité, d’une nouvelle sensibilité qui surgissent comme une nécessité face aux différentes crises qui secouent les populations. Sans bruit, sans médias ni pouvoir, de plus en plus de personnes remettent en cause les fondements du modèle économique et du mode de partage des biens.
Revenus d’existence, échanges de services avec monnaie locale, gratiferia, c’est la même lame de fond qui prend forme. Ce dimanche matin d’octobre dans cette petite ville du var, s’expérimentaient des comportements nouveaux : « c’est intéressant cette expérience de relations différentes, ça fait réfléchir sur la façon de vivre ensemble, d’échanger des biens matériels ».