Ces parisiens qui font leurs courses dans les poubelles…

«  Nécessité économique le disputant à l’attitude anti-consuméristes, certains habitants de la région parisienne ont pris l’habitude de compter sur les provisions qu’ils pourront glaner dans certaines poubelles. De façon concomitante, le nombre des bénéficiaires des minimas sociaux ne cesse d’augmenter.

Chômeurs, parents isolés mais aussi fonctionnaires à bas revenus, ils se débrouillent pour réduire leur budget alimentation, qui constitue une grande part des revenus des populations les plus humbles. Pour faire ses courses à la sortie des magasins, informations et organisations sont nécessaires : il faut connaître l’heure de sorties des poubelles des enseignes alimentaires, mais aussi trouver un transport si on ne veut pas rentrer dans la nuit, à pieds, avec ses sacs bourrés à craquer. Hasard ou pas, les produits semblent en assez bon état, comme si ceux qui les avaient mis dans les conteneurs avaient pensé à ces parisiens qui récupèrent. Dans ces stocks, on trouvera de tout : aliments dont la date de péremption est dépassée ou sur le point de l’être, mais aussi produits dont l’emballage est suffisamment en mauvais état pour ne plus être présentable en rayon. Au final, certains produits finiront quand même par se révéler rapidement impropre à la consommation tandis que d’autres sont bien meilleurs que les produits que ces glaneurs peuvent s’offrir habituellement.

Certains affichent une certaine fierté de cette opération de récupération qui leur permet d’exprimer une posture anti-consumériste : « le bonheur est pas dans le centre commercial », comme titrait sur un  mode ironique Le Monde diplomatique. Cette tendance commence à sortir de la marge, avec parfois des modes d’expressions un peu extrêmes  voire déraisonnables. Aussi folles que l’expression d’une société qui, étant capable de fabriquer des ampoules qui brillent plus de 50 ans, s’ingénie à concevoir des matériaux à courtes vies, à insérer des puces pour réduire encore davantage la durée des appareils. L’attitude de ces français qui récupèrent n’est pas sans rappeler un certain Coluche, qui, avec ces Resto du cœur, voulait montrer, bien au-delà de l’action humanitaire immédiate, qu’il était possible de nourrir sans difficultés la population avec les produits circulant déjà dans le pays. Soulignant la primauté de la question du partage, l’universitaire auteur de l’Anti-manuel d’économie résumait ainsi la question de l’économie : « comment découpe-t-on le gâteau et qui tient le couteau » (1).

La pauvreté en France non seulement ne cesse d’augmenter mais, de plus s’accélère : les minimas sociaux versés par la Caisse d’Allocations Familiales concernent en 2012 plus de 700.000 personnes, soit 7% de la population francilienne en 2012, contre 5% en 2011 et 2% en 2010. En France métropolitaine et en 2013 (2) ils sont près de 5 millions à disposer de moins des 50% du revenu moyens des français définissant le seuil de pauvreté. Et 9 millions (dont un quart de moins de 18 ans) si on fixe le seuil à 60% (3).

 
(1) « Anti-manuel d’économie », B. Marris, Editions Bréal, http://www.editions-breal.fr/fiche-antimanuel-d-economie-1119.html

(2) « Poussée du nombre de bénéficiaires du RSA en Ile-de-France », INSEE, Avril 2013, http://insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=20&ref_id=19975
(3) « Les revenus et le patrimoine des ménages », Insee, 2013,
http://insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&id=3950