Image : Wikimedia Commons | FotogrAccion. Puerta del Sol, Madrid, 2011.

Glasnost signifie transparence. Gorbatchev l’a introduite afin de lever le voile du secret qui pesait sur l’ancienne Union soviétique. L’effondrement du système en est la conséquence. Certaines comparaisons sont peut-être nécessaires.

En guise d’introduction, une petite histoire racontée par le penseur argentin Silo en 1969.

« Il était une fois un homme très puissant qui possédait de nombreux moutons. Pour qu’ils ne s’échappent pas, il construisit une clôture. Mais certains réussirent à sortir de leur prison et s’échapper. Afin d’éviter que cela ne se reproduise, l’homme prit des chiens puissants pour garder les moutons, jour et nuit.

Pourtant, certains réussirent tout de même à s’échapper et d’autres furent tués par les chiens de garde, qui souillèrent alors leur chair et leur peau avec leurs crocs féroces. Assoiffés de sang, ils s’infiltrèrent dans le troupeau et continuèrent leur massacre.

L’homme puissant comprit alors que la clôture n’était pas assez solide pour garder les moutons et que les chiens de garde étaient trop dangereux.

Puis il partit en quête d’un magicien qui persuada les moutons de dormir et les fit rêver qu’ils étaient libres. Lorsqu’ils se réveillèrent, ils continuèrent à croire qu’ils agissaient en toute liberté et ne souhaitèrent plus quitter leur maître.

Ainsi, l’homme puissant retira la clôture et les chiens de garde et continua à s’emparer des moutons à sa convenance, lorsqu’il avait besoin de leur viande ou de leur peau.

Le mouton symbolise l’esprit de l’homme, et l’homme puissant représente ceux qui veulent le manipuler. La clôture, les chiens et le magicien assistent les oppresseurs.

Clôturer c’est séparer l’esprit du monde par ignorance. L’entourer de gardes c’est faire en sorte qu’il reste docile en ayant recours à la violence et la force, en instillant la peur. Enfin, le faire dormir c’est avilir l’esprit par persuasion et beaux mensonges.

Au fil du temps, trois formes d’avilissement de l’esprit ont été utilisés.

L’ignorance et la peur ne sont pas assez puissantes pour contenir les élans de liberté. Par ailleurs, une personne ignorante et peureuse est moins utile à l’oppresseur que celles qui ont été conditionnées et n’ont donc pas besoin d’être violentées pour accepter l’infamie.

Lorsque quelqu’un n’a nul besoin de barrières ni de gardes, et se contente de la fausseté de sa vie, alors son esprit s’est éteint.

Certaines personnes vendent leur liberté intérieure pour atteindre la sécurité et le bien-être matériel. Ils se pensent libres parce qu’ils ne veulent pas d’une autre vie et trouvent insultant ceux qui parlent d’un éveil nécessaire.

Lorsque les gens dorment ainsi, ils collaborent avec l’oppression et produisent pour l’oppresseur. Ils sont considérés comme « utiles » aux intérêts de l’État qui par la même sert humblement un empire… »

L’information c’est le pouvoir. Mais avant tout, l’information c’est l’éveil.

La grande Hypnose du système : adoration des stars, jouets haute technologie, illusion du choix…Tout ceci n’a pas plus d’impact que de ranger les transats du Titanic. Mais si la Glasnost soviétique était bel et bien intentionnelle, bon nombre d’informations sont aujourd’hui dévoilées en Occident, où règne le système capitaliste (dont le néolibéralisme n’est qu’une sous-espèce) par des dénonciateurs (Snowden, Manning, Assange), des spécialistes de l’économie, des politiciens, des blogueurs, des scientifiques, et bien d’autres encore, via les médias média sociaux et alternatifs.

Nous savons désormais comment les banques nous volent, comment l’argent est créé pour devenir dette, alimentant ainsi la concentration et la pauvreté, comment la spéculation est la cause directe de la faillite (et le sera à nouveau), comment les paradis fiscaux dissimulent la richesse qui pourrait sauver des vies et des pays.

Nous sommes au courant des drones, des dommages collatéraux, de l’uranium appauvri, des mensonges sur les ADM en Iraq, des doutes quant aux tours jumelles, des théories conspirationnistes qui ne sont pas même à la hauteur des vraies conspirations quand les enregistrements sont rendus publics et divulgués sur internet dans les moindres détails.

Nous connaissons les risques de la fracturation hydraulique et ceux qui la contestent, nous connaissons Tchernobyl et Fukushima et savons que les poissons portent le césium radioactif jusqu’en Californie. Dès que nous avons découvert la vache folle, il est devenu impossible de mettre son nez dans ce qui touche au génétiquement modifié. Le fait de savoir ce qui s’est passé en Irak rend plus difficile l’infiltration en Syrie. Le pétrole se répand et ses dommages inimaginables sont visibles, connus et contestables. Idem pour le libertinage des politiciens phallocrates.

Nous nous sentons plus proches des autres, qui partagent notre Terre, à cause des risques que nous devons affronter ensemble : holocauste nucléaire, changement climatique et effondrement économique. Mais aussi parce que cette nouvelle sensibilité est planétaire. Il est possible de trouver des hommes et des femmes agissant pour la non-violence et le bien-être de tous les êtres humains dans chaque coin du monde, et nous pouvons échanger, communiquer.

Dans Spitting Image, une émission de télévision satirique faisait référence à un piratage téléphonique où le Premier ministre, Mme Thatcher, disait « Personne ne peut dire que c’est un gouvernement qui n’écoute pas son peuple ».  Aujourd’hui, le scandale du piratage par les médias et l’espionnage du citoyen lambda à l’échelle internationale par les agences de sécurité laisseraient Mme Thatcher pantoise. Et nous sommes au courant de tout cela !

Il s’agit là d’une glasnost non intentionnelle. Les motifs cachés sont rendus publics et plus personne ne croit les politiciens ni les médias.

Le citoyen lambda est écœuré par le discours déshumanisé du magnat qui accuse le pauvre d’être un « fainéant », ou celui du raciste, fier de vendre le néofascisme comme étant une alternative respectable ainsi qu’une solution pour sortir de la crise.

Lorsque les gens possèdent des informations, ils font des choses inattendues, ils cessent d’être menés par le bout du nez par la propagande. En Amérique du Sud, les gens commencent à voter pour des gouvernements alternatifs, ceux qui cherchent un modèle différent du « seul qui soit possible » que nous connaissons aujourd’hui. Les Printemps arabes, Occupy, les Indignés, tous cherchent des solutions alternatives : en économie, en psychologie, en relations humaines, en spiritualité. Ils ne peuvent être renvoyés pour manque de résultats face aux forces d’oppositions disproportionnées, puisque les systèmes changent lorsqu’une masse critique est atteinte, pas avant. Mais ils finissent toujours par changer.

La nouvelle sensibilité du monde qui naît actuellement est non-violente, elle lutte pour une égalité des opportunités et des droits, pour que la connaissance l’emporte sur le dogme, pour une spiritualité sans intolérance, pour une non-discrimination et pour un nouvel humanisme pour tous, la Nation Humaine Universelle.

L’esprit s’éveille.

 

Traduction de l’anglais : Marion Grandin