Les autorités des États-Unis n’ont pas fait en sorte que justice soit rendue pour de graves violations des droits humains commises dans le contexte d’opérations de lutte contre le terrorisme remontant à plus d’une décennie, a déclaré Amnesty International mercredi 31 juillet, tandis que le procès du soldat Bradley Manning devant une juridiction militaire atteint sa dernière phase, celle de la condamnation.
Bradley Manning, qui a révélé de possibles infractions au droit international humanitaire et d’autres violations commises par l’armée américaine, encourt une peine pouvant aller jusqu’à 136 années d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable pour 20 chefs d’inculpation distincts, dont le vol d’informations appartenant au gouvernement et des violations de la loi relative à l’espionnage.
« Il existe un contraste choquant entre la peine extraordinairement sévère que Bradley Manning pourrait se voir infliger et l’indulgence, voire l’impunité complète, dont ont bénéficié les responsables de certaines des graves violations des droits humains que cet homme a révélées », a déclaré Widney Brown, directrice générale chargée du droit international et de la stratégie politique à Amnesty International.
« Il est scandaleux que les États-Unis n’aient jamais forcé les auteurs de faits pénalement condamnables à rendre compte de leurs actes, malgré des allégations crédibles de torture, de disparitions forcées et d’autres crimes au regard du droit international commis dans le contexte des opérations de lutte contre le terrorisme menées après le 11 septembre 2011.
« Alors que Bradley Manning encourt une peine qui pourrait dépasser un siècle d’emprisonnement, de nombreux responsables de haut niveau n’ont pas été menacés de la moindre investigation – de fait, ils sont impunis. Quant aux affaires pour lesquelles des militaires de grade inférieur ont été reconnus coupables, ces derniers n’ont subi que de très légères condamnations. »
Par exemple, les responsables de rang élevé ont échappé à toute enquête concernant les sévices dont des détenus ont fait l’objet dans la prison d’Abou Ghraïb et ailleurs en Irak, en 2003 et 2004. Certes, 11 militaires de grade inférieur ont été condamnés à des peines de prison après avoir été déclarés coupables par des tribunaux militaires, mais ils ont par la suite tous été libérés. Le général de brigade chargé de cet lieu de détention a subi une réprimande pour manquement à ses devoirs et il a été rétrogradé au grade de colonel.
Il n’a jamais été procédé à aucune inculpation pénale en rapport avec le programme américain de détention secrète, dans le cadre duquel les disparitions forcées et la torture bénéficiaient d’une autorisation provenant du niveau le plus élevé de l’État. Les détails de ce programme sont toujours protégés par le secret.
« Le ministre de la Justice des États-Unis a le devoir d’enquêter sur ces actes, crimes graves au regard du droit international, et de faire en sorte que les responsables soient traduits en justice », a déclaré Widney Brown.
« L’absence persistante d’enquête et de poursuites est une injustice criante et ternit le bilan des États-Unis en matière de droits humains. »
Amnesty International va continuer à observer la phase finale du procès de Bradley Manning, qui peut prendre encore des jours ou des semaines.
Avant de fixer la peine, la juge entendra les explications de l’accusé sur les motifs de ses actes. Il n’a pas pu invoquer l’intérêt public pour sa défense lors de la phase précédente du procès, mais peut-être pourra-t-il présenter comme des circonstances atténuantes les raisons qui l’ont poussé à divulguer des informations.
La juge procédera aussi à l’audition de plus de 40 témoins, appelés à la barre par la partie poursuivante comme par la défense.