Géolocalisation du Cameroun. Image : Rei-artur. Wikimedia Commons
En convoquant le corps électoral pour l’élection des conseillers municipaux et des députés le 30 septembre prochain, le président de la République a ouvert la voie à des griefs tous azimuts : du président lui-même, de la cour suprême siégeant comme conseil constitutionnel en passant par Élection Cameroun (Elecam), organe chargé de l’organisation des élections au Cameroun. Toutes ces entités institutionnelles sont les cibles des partis politiques et de la société civile.
En attendant le déroulement du double scrutin du 30 septembre, selon les partis politiques et la société civile on assiste à une violation en cascade de la loi électorale.
Premièrement, il y a Elecam qui a été mis en place dans des conditions confuses. Les partis politiques de l’opposition avaient à l’époque décrié cet organe en mettant en cause le caractère impartial de ses membres qui pour la plupart appartenaient au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti au pouvoir.
Deuxièmement, Elecam a récemment arrêté les inscriptions sur les listes électorales avant la convocation du corps électoral par le président de la république, violant ainsi l’article 75 de la loi électorale. Face aux pressions de la société civile et des partis politiques de l’opposition qui pensent que cette fermeture brutale des inscriptions sur les listes électorales prive des millions de camerounais en âge de voter d’un droit fondamental, celui de s’inscrire sur une liste électorale afin de choisir les dirigeants, le directeur d’Elecam s’est rebiffé en ouvrant de nouveau la procédure d’inscription. Les partis de l’opposition et la société civile avaient alors vu à travers cet acte une lueur d’espoir quant à la volonté d’Elecam à demeurer impartiale dans le processus électorale au Cameroun. Mais ils avaient vite déchanté lorsque…
Troisièmement, le président de la république convoque le corps électoral sans avoir au préalable, par le biais d’un décret, fixé le découpage électoral et le nombre de conseillers municipaux par commune comme l’exige la loi électorale en son article 173. L’alinéa 2 de cet article dispose que « le nombre de conseillers municipaux par commune est déterminé par décret du président de la République, sur la base du recensement officiel de la population précédant immédiatement les élections ». le paragraphe 1 du même article dispose que «le nombre de conseillers municipaux est fixé ainsi qu’il suit : commune de moins de cinquante mille (50.000) habitants : vingt cinq (25) conseillers ; commune de cinquante mille (50.000) à cent mille (100.000) habitants : trente et un (31) conseillers ; commune de cent mille un (100.001) à deux cent mille (200.000) habitants : trente cinq (35) conseillers ; commune de deux cent mille un (200.001) à trois cent mille (300.000) habitants : quarante et un (41) conseillers ; commune de plus de trois cent mille (300.000) habitants : soixante et un (61) conseillers ». Ce qui signifie que le président à convoqué le corps électoral sur la base du décret de 2007 fixant le découpage par rapport au recensement d’avant 1990. Pourtant, le Cameroun a fait un recensement général de sa population en 2005 dont les résultats sont connus depuis 2010. En s’appuyant ainsi sur le décret de 2007 qui découpaient les circonscriptions électorales par rapport au recensement de 1987, le président a simplement violé la loi.
Selon Maurice Kamto, leader de l’opposition et président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), « la prise de ce décret n’était pas facultative, mais légalement obligatoire, le président de la République ayant compétence liée en l’espèce […] le défaut de décret prévu à l’article 173 alinéa 2 rend impossible la tenue des élections municipales à la date du 30 septembre 2013 ».
Quatrièmement, après le dépôt des candidatures au double scrutin du 30 septembre, les partis politiques ont introduit des recours auprès de la cour suprême siégeant comme conseil constitutionnel aux fins de règlement des litiges post électoraux. Il faut rappeler qu’au terme de cette première étape de dépôt des candidatures, Elecam avait rejeté au total 111 listes sur 1037 soumises à l’attention par les partis politiques pour ces élections. C’était donc au tour de la cour suprême d’être accusé de violer la loi électorale. En effet, dans une lettre ouverte adressée au président de la république, un leader de la société civile, Hilaire Kamga s’est suffisamment exprimé sur la forclusion de la cour suprême. Rendu à plus de six jours de sa saisine, cet organe n’avait pas toujours rendu son verdict alors que l’article 190 de la loi électorale l’astreint à un délai maximal de cinq jours. « La juridiction administrative compétente statue dans un délai maximum de cinq jours suivant sa saisine » précise l’article. A la suite de ce leader de la société civile, des leaders des partis de l’opposition à l’instar de Maurice Kamto, Ayah Paul, Kah Walla ont tout simplement demandé au président de la république l’annulation pure et simple de l’élection du 30 septembre prochain.
Si la situation demeure ainsi, non seulement, on aura un trop plein de conseillers municipaux. Parce qu’au lieu de 10.626 conseillers municipaux élus en 2007, le prochain 30 septembre les candidats aux municipales sont appelés à concourir seulement pour 9.908 postes, soit un surplus de 718 conseillers municipaux ; on aura ainsi une élection viciée à la base. L’espoir des camerounais d’avoir enfin une élection libre et transparente en 2013 sera tout simplement perdu. Le pays aura ainsi loupé son entrée dans l’ère de la biométrie dans les élections.