Deux nouveaux décrets d’urgence adoptés par le roi de Bahreïn mardi 6 août dans la soirée, prohibant notamment l’ensemble des manifestations, sont une nouvelle tentative honteuse d’interdire toute forme de contestation et de liberté d’expression dans ce pays, a déclaré Amnesty International.
« Interdire les sit-ins, les manifestations et les rassemblements publics dans la capitale de Bahreïn, et disposer que les parents risquent la prison si leurs enfants participent à plusieurs manifestations est choquant et porte atteinte au droit international », a indiqué Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.
« Les autorités bahreïnites ont pendant des années invoqué de manière abusive la législation existante afin de réprimer toute forme de contestation. Avec ces nouvelles mesures, cependant, leur mépris pour les droits humains atteint de nouveaux sommets. Nous craignons que ces mesures draconiennes ne soient utilisées afin de légitimer la violence d’État en prévision des nouvelles manifestations prévues pour le 14 août. »
Un de ces décrets apporte de nouvelles modifications à la loi de 1973 sur les manifestations et rassemblements publics. Celles-ci interdisent notamment les manifestations, les sit-ins, les défilés et les rassemblements publics à Manama, la capitale.
La loi de 1976 sur la délinquance juvénile a également été modifiée et prévoit désormais que si un mineur de moins de 16 ans participe à une manifestation, à un rassemblement public ou à un sit-in, ses parents recevront un avertissement écrit du ministère de l’Intérieur. Si, dans les six mois suivant l’avertissement, ce mineur prend part à une nouvelle manifestation, son père risque une condamnation à une peine de prison ou à une amende, voire les deux.
Ces décrets récents font partie d’une série de mesures adoptées par les autorités bahreïnites afin de durcir les sanctions prévues par la loi antiterroriste de 2006 et d’étouffer la contestation, face à la multiplication des manifestations.
Ces dernières semaines, les forces de sécurité ont utilisé des fusils de chasse et du gaz lacrymogène contre les manifestants, et procédé à des arrestations massives. Amnesty International a par ailleurs reçu des informations selon lesquelles des manifestants arrêtés ont subi la torture et d’autres formes de mauvais traitements.
Très tôt le 29 juillet, au moins 27 personnes, des jeunes gens pour la plupart, ont été arrêtées dans le village de Dar Kulaib, dans l’ouest du pays, où des affrontements entre forces de sécurité et manifestants avaient eu lieu. Des blogueurs, des photographes et d’autres personnes actives sur les réseaux sociaux ont été visés par des arrestations ces derniers jours.
Malgré ces mesures, les manifestations se sont poursuivies de manière sporadique, et un nouveau rassemblement massif est prévu pour le 14 août.
« Interdire les manifestations et recourir à une force injustifiée et excessive contre les manifestants risquera de mener à de nouveaux affrontements violents. Les autorités bahreïnites devraient plutôt veiller à ce que les citoyens puissent exercer leurs droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique à travers le pays », a déclaré Philip Luther.
La loi antiterroriste de 2006, connue en tant que « loi de protection de la société contre les actes de terrorisme », donne une définition trop large et ambiguë du terrorisme.
Amnesty International a souligné que certaines des dispositions de cette loi imposent des restrictions arbitraires à la liberté d’expression et accordent un pouvoir discrétionnaire trop étendu au ministère public.
Depuis février 2011, lorsque de vastes manifestations antigouvernementales ont commencé à Bahreïn, la situation des droits humains dans ce pays s’est fortement détériorée. Des dizaines de manifestants d’opposition ont été arrêtés et jugés devant des tribunaux militaires.
Beaucoup ont été torturés. Certains, dont 13 personnalités influentes, purgent actuellement de lourdes peines de prison allant jusqu’à la réclusion à perpétuité. Des dizaines de personnes sont mortes, notamment des suites d’actes de torture, mais principalement en raison d’un recours injustifié et excessif à la force par les forces de sécurité dans le cadre des manifestations. Des défenseurs des droits humains ont été incarcérés en raison de leur action.