Image : Paulo Genovese | Pressenza

Par ‘Monde Sans Guerres y Sans Violence’

L’un des phénomènes de protestation sociale les plus importants de ces dernières années dure depuis trois semaines déjà : une grève générale des professionnels de santé au niveau national. Il s’agit de la deuxième grève du secteur de la santé cette année.

La première grève, en janvier, s’est achevée par la signature d’un mémorandum d’entente entre le gouvernement et l’Association Médicale du Mozambique (Asociación Médica de Mozambique – AMM), dont les différents points, quelques mois après, ont été enfreints de manière unilatérale par différentes branches du gouvernement. La violation de ce mémorandum a déclenché cette deuxième grève, qui depuis qu’elle a débutée le 20 mai, ne semble pas vouloir prendre fin, étant donné entre autres les menaces et manœuvres de répression distinctes que les autorités emploient en réponse à la protestation non violente et exemplaire des médecins.

Ce phénomène a contribué à exposer les problèmes de fond qui sont au cœur de l’indignation et de l’absolue pauvreté dans laquelle vivent des millions de Mozambicains, dans un contexte où les signes d’une nouvelle sensibilité et d’une nouvelle force capables de changer la situation actuelle apparaissent, en synergie avec les grands mouvements sociaux qui émergent partout dans le monde.

Les grévistes, incluant médecins, infirmiers, techniciens, personnel de service et autres professionnels de santé, revendiquent de meilleures conditions de vie et de travail dans les hôpitaux et unités sanitaires. La devise de ces médecins : « Prendre soin de ceux qui soignent ». Leur principal argument : les inégalités de gestion des fonds de l’État.

Les salaires dans les autres secteurs moins essentiels à la vie des personnes sont bien supérieurs à ceux du secteur de la santé. Les incroyables rémunérations des postes dirigeants, la gestion douteuse des vastes ressources naturelles du pays et la distribution de grosses sommes d’argent dans des projets non prioritaires, font que les médecins se posent la question : la santé et le bien-être de la population sont-ils importants aux yeux du gouvernement du pays, ou leurs intérêts et programmes sont-ils autres…

Dans un contexte où prolifèrent les cliniques privées de haut niveau que seule une petite élite peut payer, le service public de santé perd en qualité chaque année. Un infirmier général avec un salaire proche de cinq mille meticais (environ cent soixante-dix dollars) peut difficilement continuer à payer ne serait-ce que le transport public, alors faire vivre sa famille… Un médecin gagne à peine un peu plus. Cette récompense est encore injuste et indigne pour ces personnes qui passent par une formation académique de presque dix ans, incluant une expérience professionnelle obligatoire au service de l’État. Ce manque de considération pour la classe médicale est présent dans un contexte où le pays comporte moins de 1 500 médecins au service de 23 millions de Mozambicains, proportion largement insuffisante.

Parallèlement à la question de la dignité des professionnels de santé se pose aussi celle des conditions de travail dans les unités sanitaires. Les médecins travaillent par équipe, parfois 36 heures de suite dans des hôpitaux où l’eau est dans un état de saleté totale. La plupart de ces unités manque de matériel basique pour réaliser les traitements les plus routiniers, au point que certains infirmiers ont parfois 30 patients par jour à soigner avec une seule paire de gants.

De même, au-delà de la légitimité de ces revendications, la méthodologie des actions utilisée par les professionnels de santé est exemplaire. De telles grèves sont relativement fréquentes dans d’autres cas, mais au Mozambique, malgré l’injustice sociale fracassante, on ne compte que deux cas de manifestations populaires qui, toutes deux violentes et irrationnelles, se sont terminées par la mort d’individus lors de confrontations avec la police.

Une protestation non violente

Avec cette grève, les professionnels de santé sont un exemple de protestation non violente inspirante. C’est suite à des lettres, à des positionnements, à des tentatives de dialogues avec le gouvernement, à des assemblées entre médecins à un niveau national et à des préavis qu’ils en sont arrivés à se mettre en grève.

Récemment, leurs revendications ont eu le mérite d’attirer l’attention du gouvernement comme de la population en général. Les médecins organisent des marches pacifiques, se réunissent publiquement pour discuter de leurs problèmes et réalisent des campagnes de nettoyage et autres actions en faveur de la santé publique. Une attitude diamétralement opposée à l’arrogance avec laquelle le gouvernement a lutté contre cette situation.

Les professionnels de santé, surtout dans les endroits les plus éloignés de la couverture médiatique dans le pays, ont été expulsés, emprisonnés voire agressés physiquement par les autorités. Les manifestations publiques sont surveillées et réprimées par la police de manière disproportionnée et imprévisible, avec des chiens et parfois même des camions blindés. Le peu d’informations transmises par les chaînes de communication principales sont incomplètes, donnant voix à la campagne de contre-information du gouvernement, qui paradoxalement, se montre toujours ouverte au dialogue alors qu’il cherche à cataloguer les grévistes de jeunes irresponsables, insensibles et dans certains cas, d’extrémistes et d’assassins.

Cette contre-information ne réussit pas à affaiblir les grévistes, étant donné la diffusion d’informations via les réseaux sociaux, en particulier via toute une génération habitée par la sensibilité et l’espoir nouveaux d’un monde meilleur pour tous. Cette sensibilité rappelle ces grands mouvements sociaux qui, depuis 2011, bravent les pouvoirs établis partout dans le monde ; des mouvements comme le Printemps arabe, les Indignés et Occupy, parmi ceux les plus connus. La grève des professionnels de santé mozambicains présente des signes de manifestations similaires passées, motivée par cette même importance qu’a cette lutte pour la légitimité des Droits de l’Homme.

Aujourd’hui, les négociations entre l’AMM et le Ministère de la Santé sont au point mort, les opinions populaires sont nombreuses et variées, les organisations de la société civile sont pour la plupart passives, mais les professionnels de santé, malgré les menaces et répressions gouvernementales, restent fermes dans leurs protestations.

Information additionnelle en: www.worldwithoutwars.org

http://www.facebook.com/pages/Mundo-Sem-Guerras-Mo%C3%A7ambique/330399064953

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Traduction de l’espagnol  : Eva Delacoute