Les autorités algériennes empêchent une délégation de 96 syndicalistes et militants de la société civile de franchir la frontière afin de se rendre en Tunisie pour assister au Forum social mondial cette semaine, portant ainsi atteinte à la liberté de mouvement de ces personnes, a déclaré Amnesty International mardi 26 mars.
Aucune raison n’a été donnée à ces 96 personnes pour justifier cette décision. Le 26 mars, des membres de la police des frontières postés dans la ville d’Annaba, dans le nord-est du pays, ont déclaré aux délégués qu’ils figuraient sur une liste de personnes à qui il était interdit de quitter l’Algérie, en raison des « troubles ».
« Limiter les déplacements de militants de la société civile procède d’une tentative flagrante de les empêcher de rencontrer des groupes ayant une philosophie similaire venus du monde entier, et semble donc avoir pour but de les isoler », a déploré Ann Harrison, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.
« Paradoxalement, ces pratiques rappellent les interdictions de voyager imposées aux défenseurs tunisiens des droits humains sous l’ère Ben Ali. Alors que la Tunisie connaît d’énormes changements et accueille le 13e Forum social mondial à Tunis, les autorités algériennes continuent quant à elles à recourir à de vieilles tactiques répressives et semblent ne pas avoir tiré d’enseignements des soulèvements récents dans la région. »
Le Forum social mondial est un rassemblement international de militants et d’organisations de la société civile. Quelque 50 000 militants devraient participer à cet événement, qui se tient du 26 au 30 mars et s’intéresse aux questions sociales, économiques et relatives aux droits humains.
La délégation de 96 personnes, qui voyageait à bord de deux bus, s’est vu empêcher de traverser la frontière entre l’Algérie et la Tunisie à trois reprises, à différents postes frontières, depuis lundi 25 mars à 3 heures du matin.
Amnesty International demande aux autorités algériennes de lever immédiatement l’ensemble des restrictions pesant sur ces militants, de leur permettre de participer au Forum social mondial et de veiller à ce qu’ils ne fassent pas l’objet de représailles ou d’une quelconque forme de menace.
En imposant des restrictions de ce type à des militants, l’Algérie fait fi des obligations qui sont les siennes aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et bafoue la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme, qui protège leur droit de chercher à défendre et à réaliser les droits humains aux niveaux national et international, et de mener un travail en faveur de ces droits, individuellement ou en association avec d’autres.
La délégation qui prévoyait de participer au Forum social mondial est composée de membres du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique, de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme, de SOS-Disparus – groupe composé de proches de victimes de disparitions forcées en Algérie – et du Comité national de défense des droits des chômeurs.
Des membres de ces groupes sont souvent harcelés par les autorités algériennes, qui n’ont eu de cesse de restreindre la liberté de réunion et d’association, dans la législation et dans la pratique, au fur et à mesure que les manifestations contre le chômage et la corruption se sont multipliées dans le pays ces deux dernières années.