Lorsque les autorités de la Communauté d’Etats Latino-Américains et Caraïbéens (CELAC) et l’Union Européenne (UE) se sont accordées sur un agenda pour organiser le sommet officiel Bi-régional, rapidement le concept de sécurité juridique des investissements s’est imposé comme un point central de l’agenda. Les analystes s’accordent à dire que c’est une réponse de la communauté européenne aux processus d’étatisation entamés par plusieurs pays de la région (Argentine, Venezuela, Bolivie…) et à la judiciarisassions de conflits socio-environnementaux.

Il n’est de mystère pour personne que l’eau, l’énergie, les minerais, l’agro-industriel sont des secteurs économiques stratégiques pour l’Europe afin de continuer à imposer son modèle de développement. C’est aussi l’un des principaux revenus des pays latino-américains, principalement exportateurs de matières premières.

Dans sa globalité, la déclaration finale du Sommet officiel CELAC – UE rend explicite le souhait de l’Europe : assurer aux investissements européens toutes les garanties légales en et faire LA priorité absolue pour ne pas mettre en danger leur activité économique et leur contrôle des ressources naturelles.

Au regard de cette réalité économico-politique, peut-on réellement croire aux ambitions des points 7 et 42 de la Déclaration officielle du Sommet CELAC – UE ?

Le point 7 réaffirme « la détermination d’accomplir les obligations issues des pactes internationaux de droits humains ».

Le point 42 met l’accent sur l’importance de « réussir un juste équilibre entre les besoins économiques, sociaux et environnementaux des générations présentes et futures, il est nécessaire de promouvoir l’harmonie avec la nature ».
Lorsque l’Union Européenne se réfère au principe de sécurité juridique des investissements, il s’agit avant tout de « garantir la présence et les investissements européens ». Mais qui garanti le principe de sécurité juridique tout court, notamment pour les victimes de ces investissements ?

Un espace de réflexion sur l’eau au sein du Sommet des Peuples

A Santiago du Chili, cela a été la question centrale de l’atelier réalisé le 25 janvier par France Libertés en partenariat avec Chile Sociedades Sustetables, l’Oservatorio Ciudadano, Censat Amigos de la Tierra Colombie et la Coordinacion pour l’eau et pour la vie du Chili.


Cette rencontre a eu lieu dans le cadre du sommet des peuples et fait partie de la campagne des Porteurs d’eau promue en France et à l’international par la France Libertés-Fondation Danielle Mitterrand.

Lors de cet atelier et tout au long du Sommet des peuples, les nombreux témoignages des acteurs locaux, associations nationales et internationales font état d’une démultiplication des conflits sociaux et environnementaux en lien avec les investissements des puissances du Nord dans les pays du Sud en matière d’extraction des minerais, d’agroproduction extensive et intensive, de la production d’énergies (essentiellement à base de charbon et d’hydroélectricité) et des grands projets d’infrastructures.

Pour les défenseurs du droit fondamental à l’eau, il devient évident aujourd’hui que le modèle de développement économique par la croissance, qui consiste à exploiter les ressources naturelles sans prendre en considération l’impact à long terme sur les sociétés et les écosystèmes, nous mène directement et rapidement dans le mur.

Le bilan de la coopération économique du libre-échange n’est que trop rarement, pour ne pas dire jamais, favorable aux populations et à leurs territoires ou bassins versants.

Les participants ont ainsi insisté sur la répétition d’une stratégie utilisée par les grands groupes économiques contre les défenseurs de l’eau bien commun de l’humanité et du droit à vivre dans environnement sain : attaquer en justice de façon systématique les leaders des mouvements et leurs avocats.

Les procès en justice confrontent les plus souvent des petites communes rurales contre des holdings internationales et leurs armées d’avocats. L’Etat, de son côté, estime qu’il s’agit d’un conflit entre privés. Dans le meilleur des cas, il se retire. Sinon, l’Etat participe au procès aux côtés de la multinationale. Le résultat est souvent l’utilisation des lois d’exception, la participation des procureurs aux côtés des multinationales, l’utilisation excessive et abusive de la force de la part des forces de police, entre autres.

Assurer juridiquement les investissements européen au dépend de la sécurité juridique des peuples (droits humains, droit à l’eau, droit de vivre dans un environnement sain…) n’a pas de sens, c’est une barbarie économique qui consiste à faire croire que l’on peut croître à l’infini dans un monde fini en écrasant les peuples sur son passage. C’est aussi l’avènement d’un colonialisme globalisé mené par les chantres du capitalisme néolibéral.

Les conclusions des rencontres sur l’eau au Sommet des Peuples

Plus d’une trentaine d’organisation sociales, principalement chiliennes, ont participé à la rencontre organisée par la France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand et Chile Sociedades Sustentables. Les participants se sont accordés à travailler autour de l’organisation d’un plaidoyer politique mené par les réseaux. Cette stratégie cherche à accentuer la génération de propositions en lien avec les droits humains fondamentaux et les droits de la nature.

Pour faire face à l’accaparement hydrique, à la montée de la logique du marché dans la gestion des eaux et à la destruction des modes de vies locales et de l’environnement, les participants au Sommet des peuples continueront a faire avancer le droit à l’eau pour qu’il pèse résolument sur les enjeux politiques, économiques, juridiques, environnementaux et sociétaux.

La mise en place d’actions d’éducation populaire a été choisie comme une stratégie clé pour la conscientisation des acteurs des territoires affectés afin qu’ils puissent porter une voix claire devant les partenaires internationaux qui devraient garantir leur droit à une vie digne et à une préservation de leurs territoires et de leurs cultures.

Source : france-libertes.org