Le 06 novembre 2012, le président Paul Biya a célébré avec faste ses 30 ans d’accession à la magistrature suprême. Cérémonie qui avait tout son pesant d’or sur son avenir à la tête du pays. Même si pendant ces trois décennies de règne, il a géré le pays d’une « main de fer » sans partage, non sans brouiller les pistes pouvant mener à sa succession à la tête de l’Etat. Il est d’ailleurs très réservé, voire même réfractaire à l’idée de dauphinat. C’est ainsi qu’une franche majorité de camerounais pensent qu’il partira du pouvoir en 2018, date à laquelle son deuxième septennat s’achève. Constitutionnellement, il ne pourra plus être candidat. Mais le dire ainsi c’est ne pas connaitre cet homme politique qui a toujours une dernière carte à jouer.
Une opposition ruinée par 30 ans de combat sans victoire
L’opposition camerounaise a toujours été largement battu à l’issu de tous les scrutins organisé dans le pays depuis l’avènement du multipartisme. Cette opposition semble s’être habituée à ces cuisantes débâcles électorales.
Depuis l’avènement du multipartisme au Cameroun, les leaders d’opposition ont été systématiquement usés par le temps. Apparus pour la plupart dans les années 90, plusieurs d’entre eux ne sont plus sur le terrain politique. Même Ni John Fru Ndi, leader charismatique du Social Democratic Front (sdf), principal parti d’opposition, n’est que l’ombre de lui-même. Lui, qui avait été accueilli par les populations comme un messie. Ses partisans l’appelaient affectueusement suffer don finish (la souffrance est finie). Par contre certains leaders d’opposition qui ont résisté à l’usure se sont tout simplement ralliés au président Biya. C’est le cas aujourd’hui d’Issa Tchiroma Bakary, ministre de la communication et porte parole du gouvernement, président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Ou encore de Bello Bouba Maïgari, ministre des transports, président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP). La conséquence est que, contrairement à un certain engouement constaté au début de la décennie 90, les populations se désintéressent de manière inquiétante des questions politiques.
Un système électoral et des élections toujours contestées
L’état actuel de l’organisation des élections n’est pas de bon augure. Après la création en 2008 du corps électoral Elections Cameroun (Elecam). Les efforts de démocratisation du Cameroun depuis bientôt deux décennies sont ternis par la contestation des résultats des différents scrutins. Peu croient maintenant que le processus électoral actuel au Cameroun puisse leur donner l’occasion de choisir les gouvernants qu’ils souhaitent.
Par ailleurs, L’opposition camerounaise exige d’Elections Cameroon (Elecam) l’instauration du bulletin de vote unique dès les prochaines consultations électorales. Notamment les élections municipales et législatives. Ce qui permettra de réduire la fraude et de la corruption pendant les scrutins. L’instauration d’un bulletin unique permet également de faire une économie des deniers publics. En effet, l’Etat doit confectionner autant de bulletins individuels que de candidats, multipliés par le nombre d’inscrits sur le fichier électoral. Ce qui constitue sur le plan financier une charge financière très élevée, dont on pourrait parfaitement faire l’économie, avec l’adoption du bulletin unique de vote. Ce qui reviendrait à un seul bulletin, quel que soit le nombre de candidats par ailleurs.
Une stabilité fragilisée par la corruption
La stabilité apparente du Cameroun dans une région en proie aux rebellions et aux grèves ne peut pas être considérée comme un acquis. Le Cameroun, «double champion du monde de la corruption» selon le classement de l’ONG Transparency International est loin d’être débarrassé de ce fléau. Le rapport 2012 de cet organisme n’est pas assez tendre sur le Cameroun. Le pays est ainsi passé de la De la 134è place en 2011, à la 144e place sur 183 pays. Cette amélioration de rang est due aux efforts consentis cette année par les autorités pour enrayer ce fléau. En effet, sur un plan sur le plan institutionnel, la lutte contre la corruption au Cameroun s’est accentuée avec mise en place d’un arsenal anticorruption comme la Commission Nationale Anti-corruption (CONAC), l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF) et la Chambre des comptes de la Cour suprême. Ces dernières années, de nombreuses personnalités ont arrêtées dans le cadre de cette lutte contre la corruption. Parmi ces personnalités figurent : un ancien Premier ministre, un ancien secrétaire général de la présidence de la république, plusieurs ministres. Mais des opposants au pouvoir en place voient dans cette démarche une idée d’épuration politique. Le président Biya serait en d’écarter tous ces proches collaborateurs qui auraient des ambitions politiques.
En plus, lutter contre la corruption est une bonne chose mais, s’attaquer aux causes c’est encore mieux. C’est à la base qu’il faut combattre la corruption et non au sommet. Donner aux parents les moyens d’éduquer et d’enseigner aux enfants les valeurs morales et d’être eux même des modèles. Alors ce ne sont pas les arrestations au sommet de l’état qui vont changer les choses, ce ne sont pas les institutions qui feront le travail, mais c’est les écoles, les familles, les groupes de paires, l’église et tous les agents de socialisation susceptibles de purifier les Camerounais de l’immoralité. Mais cela va de paire avec la lutte contre la précarité, le vaste fossé entre riches et pauvres. Le gouvernement est trop loin des Camerounais et très attentifs à ceux qui convoitent le pouvoir.
Les populations se désintéressent des questions politiques
les camerounais apparaissent aujourd’hui comme démissionnaire devant leurs droits et devoirs civiques, notamment le droit et le devoir d’exercer le choix de ses différents représentants par le vote. Cette désaffection a été très perceptible sur le taux de participation des différentes élections organisées dans le pays. Au fil des années, on a observé une baisse du taux de participation aux différentes élections et à tous les niveaux : De 49,05% de participation en 1992 à l’élection présidentielle ainsi qu’aux élections législatives, le taux de participation, a été fortement décroissant lors du scrutin présidentiel de 2004 avec moins de 25%, ainsi qu’aux élections municipales et législatives de 2007.
Le pouvoir ne semble guère préoccupé par ce désintéressement des citoyens aux élections, malgré l’abondance d’un discours politique vague sur le sujet et la création d’un certain nombre de structures supposées indépendantes et dont la mission serait de travailler dans ce sens : Il s’agit entre autres de l’Observatoire National des Elections (ONEL 1 et 2) et plus récemment encore d’Elections Cameroun (ELECAM) dénoncés par, les partis politiques de l’opposition, la société civile et par certaines Chancelleries diplomatiques en place au Cameroun. il est important de créer les conditions permettant l’organisation d’élections libres, crédibles et transparentes au Cameroun. Ceci, afin de mettre en place un système de choix légal et légitime des gouvernants.
Rendez-vous dans 20 ans
Le 9 juin 2004 à 16h, le Boeing présidentiel en provenance de Genève en Suisse, atterrit à l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen. A son bord le Président Paul Biya accompagné de sa famille. Sur la passerelle, devant la foule venue l’accueillir, il déclare: «le fantôme vous salue bien(…) Certains, apparemment, étaient pressés d’assister à mes funérailles(…) Rendez-vous dans vingt ans». En 2004, Paul Biya avait déclaré à la suite de certaines rumeurs qui l’avait annoncé pour mort : «je vous donne rendez-vous dans 20 ans». En effet, alors qu’il était en visite privée en Suisse, des rumeurs avaient annoncées son décès. Revenu au pays quelques jours plus tard, il a tenu ce discours à l’endroit de ceux qui ont propagé la rumeur.
Depuis lors, les analyses vont dans deux sens : soit il voulait dire qu’il a encore 20 ans de vie, soit il s’agissait tout simplement de 20 ans de règne à la tête du pays. Il est donc fort probable que le chef de l’Etat joue un joker et se présente à l’élection présidentielle de 2018 à l’âge de 85 ans. Mais il faut le reconnaître, cet homme est inusable. En 30 ans de pouvoir, il ne montre aucun signe de fatigue politique et il pourra rester en poste, jusqu’en 2024, tant que sa santé et son âge avancé le lui permettront. Il aura alors 91 ans. Ce qui n’est pas impossible, encore moins nouveau sur le continent. Au Zimbabwe, le président, Robert Mugabe qui a 88 ans n’est pas prêt à lâcher du lest.
Récemment, Paul Biya, au cours d’une visite de travail en France a rencontré son homologue français, François Hollande, mercredi 30 janvier 2012. Au sortir de cette rencontre, répondant aux questions des journalistes, il a déclaré qu’il se contente de mener son mandat à son terme et de tenir ses engagements. De quels engagements s’agit-il ? Just wait and see.