Au Cameroun, la protection de l’enfant constitue une préoccupation permanente. Toutefois, en dépit de multiples actions du Gouvernement en vue d’assurer la protection de ses droits, l’on observe une persistance des mauvais traitements, de l’exploitation des enfants et de la violence perpétrée contre les enfants. Ces pratiques latentes à l’intérieur du pays alimentent la filière internationale.
Entre autres violences que subissent les enfants au Cameroun, on peut citer : les cas de châtiments corporels en famille et à l’école, de viols et d’incestes, de sévices et mauvais traitements dans la rue, au sein des familles, dans les établissements pénitentiaires, de mutilations génitales dans certaines régions, de travail forcé, de traite, de trafic et d’exploitation sexuelle, d’outrage à la pudeur, de rapt et d’agression contre les enfants. Pourtant, la loi N° 98/004 du 14 avril 1998 portant sur l’orientation de l’éducation au Cameroun dispose à son article 35 que sont proscrits les sévices corporels, toutes formes de violence et les discriminations de toute nature à l’encontre des enfants.
Cependant, les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé et au bien-être de l’enfant, y compris les mariages précoces et le repassage des seins des jeunes filles adolescentes, continuent d’être appliquées dans centaines régions du pays. Avec le concours des partenaires comme l’OMS, la GTZ et les ONG locales, le gouvernement parvient à sensibiliser la population sur les dangers de ces pratiques en vue de leur éradication. Dans cette perspective, plusieurs activités ont été menées parmi lesquelles le forum sur les mutilations génitales féminines tenu en 2006, au cours duquel les ONG impliquées dans la lutte contre ce fléau, les victimes et les responsables de cette pratique ont été invités à discuter de ses dangers. Il est apparu qu’au-delà du souci de préserver les pratiques coutumières et l’intégrité morale de la famille, qui selon eux doit être conservée par la femme, les motivations des auteurs de cette pratique étaient financières.
Dans la perspective de procurer un niveau de vie adéquat aux enfants vivant dans la pauvreté et d’assurer leur maintien dans l’environnement familial, le Gouvernement met en œuvre un certain nombre de mesures dans différents secteurs visant notamment à renforcer les capacités des familles et des communautés. On peut citer à cet effet : le Programme National de Soutien aux Orphelins et autres Enfants Vulnérables du fait du VIH et Sida , la mise en place d’un système de parrainage au Cameroun destiné à prendre en charge les catégories d’enfants vulnérables, la création des cantines scolaires dans les écoles des zones d’éducation prioritaire avec l’appui du Programme Alimentaire Mondial en vue d’apporter un appui nutritionnel aux enfants nécessiteux.
Une filière nationale
Ces efforts n’ont pas empêché certaines atteintes aux droits de l’enfant de prospérer à l’intérieur du pays. Le cas le plus patent est celui des « enfants Bamenda » qui sont purement et simplement « vendus » dans des familles aisées où ils sont sexuellement exploités et pour lesquelles ils travaillent comme domestiques. En effet, c’est en 2010 que le pasteur Jean Blaise Kenmogne, directeur général d’une ONG nationale, dévoile ce trafic au travers d’un rapport. Selon ce rapport, plus de 4000 enfants sont exploités à des fins sexuelles au Cameroun. 336 ravisseurs en tirent chaque jour 12.000 000 F Cfa. Les victimes sont soumises à l’obligation de résultats et sont transformées, à leur corps défendant, en machines à sexe et à fric. 36% des victimes de cette traite sont âgées de moins de 13 ans. Parmi les victimes, 40% ont un niveau d’étude zéro et 56% n’ont pas dépassé la deuxième année du collège.
Par ailleurs, des ONG engagées dans le combat contre la prostitution africaine en Europe ont exposé la cartographie du trafic, et présenté le Cameroun, plus particulièrement la Région du Nord Ouest, comme une plaque tournante de ce trafic à cause de la frontière poreuse avec l’Afrique de l’ouest et de la facilité d’obtenir de faux papiers. On relève que les régions anglophones du Cameroun (Nord Ouest et Sud ouest) enregistrent à elles seules 89 des 329 victimes camerounaises soit 27,1%, viennent ensuite les régions septentrionales (Extrême Nord, Nord Adamaoua) à concurrence de 107 victimes soit 32,4%.
Les chiffres de l’Institut National de la Statistique
En 2007, le gouvernement camerounais avait ordonné à l’Institut national de la statistique (INS) de réaliser d’une étude pilote nationale sur le travail des enfants. Les résultats de cette étude avait ainsi permis d’établir le lien étroit entre le travail des enfants et la situation de pauvreté que connaît le pays. Des informations recueillies auprès des ONG de défense des droits de l’enfant révèlent que l’exploitation sexuelle commerciale des enfants existe dans de nombreuses localités du Cameroun. En dépit des actions multiformes des différents acteurs pour enrayer ce phénomène, il a beaucoup prospéré ces dernières années. Les méthodes statistiques de mesure sont encore au stade expérimental pour la simple raison que ces enfants sont rares et insaisissables, en ce sens qu’ils sont difficiles à rencontrer et à dénombrer par les méthodes classiques d’échantillonnage. Malgré ces difficultés liées à la méthodologie de collecte, avec l’appui du Bureau International du Travail (BIT), l’INS a mené une étude pilote en 2010 sur l’ensemble du territoire. Les résultats obtenus montrent bien qu’un nombre élevé des filles et garçons de moins de 18 ans pratique le commerce du sexe, installés à leur propre compte, ou alors, exploités par des adultes tapis dans l’ombre. L’activité se pratique au grand jour ou sous forme voilée.
Même au-delà des frontières du Cameroun
Selon l’Unicef, Chaque jour, des milliers d’enfants sont victimes de trafiquants dans le monde. Ils perdent leurs parents, sont emmenés dans des pays étrangers dont ils ne comprennent pas la langue et où ils ne connaissent personne. Seuls et abandonnés, ils sont exposés à tout genre d’abus et d’exploitation. Le trafic d’enfants est florissant sur toute la planète, en Europe aussi. Ce trafic est favorisé partout où le quotidien des familles est marqué par la pauvreté et la précarité, l’exploitation et l’absence de perspective. Le manque d’instruction et d’information rend les parents plus réceptifs aux offres et aux promesses des trafiquants. Les enfants sont vendus comme esclaves à l’étranger, on les force à se prostituer, on les remet contre de fortes sommes d’argent à des parents en attente d’adoption.
De plus en plus, des enfants sont achetés et vendus par des réseaux organisés à l’intérieur des frontières nationales et d’un pays à l’autre. Leur vulnérabilité vis-à-vis de l’exploitation est encore plus grande lorsqu’ils arrivent dans un autre pays, où ils se trouvent à la merci des employeurs et des autorités et où, souvent, les liens avec leur famille sont rompus.
Ce fléau n’est pourtant pas une fatalité pour l’humanité. Dans les pays, la capacité d’action des gouvernements et des autres groupes concernés devrait être renforcée par l’amélioration de la législation et de son application, par la recherche et la diffusion d’information, et par la constitution et la coordination de réseaux de lutte à l’intérieur du pays. D’autres activités de lutte contre le trafic d’enfants et de sensibilisation peuvent se faire par le biais de conférences et de séminaires destinés aux décideurs politiques visant à éveiller leur conscience sur ce grave problème. Au niveau local, les activités de sensibilisation pourraient être dirigées vers les familles concernées, pour leur expliquer les dangers de ces pratiques.