Par Tomas Andréu
La politique environnementale du Costa Rica entre en contradiction avec une utilisation excessive de produits chimiques dans l’agriculture.
En matière d’environnement, le Costa Rica veut se donner l’image d’un pays vert – comme un brocoli frais – face à la communauté internationale. Néanmoins, la quantité de pesticides utilisés par son agriculture démolit cette image que l’on cherche à incorporer au mythe national.
Les données du World Resources Institute, une organisation basée à Washington, aux États-Unis, qui se consacre à l’étude des questions environnementales, présentent ce pays d’Amérique centrale comme le plus grand consommateur de pesticides du monde, avec 51,2 kg par hectare. En Amérique latine, il est suivi d’assez loin par la Colombie, avec 16,7 kg, et par l’Équateur, avec 6 kg.
Le seizième Rapport de l’État de la Nation sur le développement humain durable (2010) – un système de suivi annuel de la situation du pays dans les aspects sociaux, économiques, environnementaux et politiques du développement – a révélé qu’en 2009, le Costa Rica a importé plus de 300 tonnes de substances contenant du bromométhane, un agrochimique et un composé signalé comme destructeur de la couche d’ozone.
Cette substance se trouve dans la ligne de mire de l’accord du Protocole de Montréal, une convention créée en 1995 sous l’égide des Nations unies pour protéger la couche d’ozone et qui a été signée par plus de 40 pays.
Pour sa part, l’Instituto Regional de Estudios en Sustancias Tóxicas (IRET ; Institut régional des études sur les substances toxiques), de l’Université nationale du Costa Rica, a révélé début 2011 que la quantité de pesticides importés entre 1977 et 2006 a augmenté de 340 %. Au total, le pays a importé 184 817 tonnes de pesticides ces 30 dernières années.
La culture où l’on retrouve la plus importante présence de pesticides serait le melon, selon l’IRET, suivie tout de suite après par la tomate, la pomme de terre, l’ananas et la canne à sucre.
« Ces données mettent à jour la contradiction dans laquelle vit un pays qui vend à l’étranger une image de leader en préservation de l’environnement, mais qui est incapable de se plier aux accords internationaux qu’il signe en la matière », fait remarquer Ignacio Arroyo, biologiste et chroniqueur du journal Diario Extra.
Pollution de l’eau
Ce même Rapport de l’État de la Nation 2010 souligne que la pollution de l’eau depuis l’année 2001 ne concerne plus les résidus de matières fécales, mais la présence récurrente de résidus chimiques utilisés dans l’agriculture.
« À partir de l’année 2001, des incidents de pollution chimique sont survenus, en raison de l’utilisation excessive de pesticides dans les activités agricoles de type monoculture, comme c’est le cas de l’ananas », cite le rapport. « C’est le résultat d’une expansion agricole et urbaine, qui n’a ni pris en considération, ni respecté les marges de protection des sources de captation d’eau pour la consommation humaine. »
Les dégâts relatifs aux nappes aquifères pourraient augmenter dans un avenir proche, car au Service phytosanitaire, qui dépend du ministère de l’agriculture et de l’élevage (MAG), il existe approximativement 450 agrochimiques qui attendent le feu vert pour inonder les cultures costaricaines.
En parallèle, le débat sur l’utilisation des agrochimiques génériques par rapport aux agrochimiques dits « de marque » se développe dans les sphères politiques. Des activistes environnementaux affirment que les deux types de substances et de composés nuisent à la santé de la population.
La question est la suivante : Qu’est-ce qui a fait que le Costa Rica est devenu numéro un dans l’utilisation d’agrochimiques au niveau mondial, et pourquoi les agriculteurs et les travailleurs de la terre déversent à l’excès ces produits ?
Selon Fabián Pacheco, du Centre national spécialisé en agriculture biologique, si le Costa Rica est numéro un dans l’utilisation de pesticides, c’est parce que le pouvoir d’achat des agriculteurs, l’abandon du secteur agricole par le ministère de l’agriculture et la forte érosion culturelle ont fait des agrotoxiques un élément majeur du travail agricole.
« Au Guatemala, au Honduras et à El Salvador, le patrimoine culturel fait que les techniques ancestrales [de lutte contre les organismes nuisibles] ne sont pas sensibles à la propagande des entreprises sur l’agriculture », a déclaré Pacheco à Noticias Aliadas.
Pacheco est professeur d’université, activiste environnemental et l’un des leaders de la campagne Arrêter de fumiger (« Paren de Fumigar »), un collectif fondé en 2011 et composé par un groupe de jeunes, opposé à l’extraction minière et pétrolière et en faveur de marchés biologiques, qui cherche à informer les citoyens sur le danger lié à l’utilisation des pesticides et à la consommation des aliments transgéniques.
Intoxications massives
Pacheco ajoute que la seule chose que peuvent faire les agriculteurs et les travailleurs à cet égard, c’est d’appliquer le poison qu’on leur prescrit encore et encore – ce qui ne se produirait pas si le ministère de l’agriculture s’impliquait dans la formation et la prévention.
En juin 2010, le journal La Nación a rapporté qu’au moins 28 femmes avaient été intoxiquées dans le domaine de Caballo Blanco, producteur de coton, situé dans la zone agricole de Falconiana de Bagaces, dans la province de Guanacaste, au nord-ouest du pays.
Quatre mois plus tard, ce même journal publiait des informations selon lesquelles une intoxication massive avec des pesticides avait touché 65 travailleurs dans une entreprise productrice de coton située dans le domaine de Las Loras, à San Agustín de Chomes, dans la province de Puntarenas, sur la côte Pacifique.
La Caisse d’assurance sociale du Costa Rica (CCSS) a révélé que l’année dernière, elle s’est occupée de 146 personnes au total pour « empoisonnement accidentel causé par une exposition aux pesticides », selon un rapport officiel auquel a accédé Noticias Aliadas. Parmi ces personnes, 12 sont décédées.
San José, la capitale, a enregistré un total de 15 cas, et elle est suivie d’Alajuela (51), de Puntarenas (23) et de Limón (26), entre autres. « En 34 ans, le Costa Rica a triplé ses importations de principe actif de biocides sans que son territoire cultivé augmente, du fait du démantèlement de l’agriculture traditionnelle et de l’érosion génétique des cultures en faveur du monopole entrepreneurial de l’industrie agro-alimentaire », affirme Arroyo.
Source française : (Dial – http://enligne.dial-infos.org) http://www.alterinfos.org/spip.php?article5438
Traduction de Cyrielle Hardenne pour Dial.