ÉDITION SPECIALE / Le système des soins de santé européen a des difficultés à gérer le manque de transparence et de confiance dans le secteur pharmaceutique, d’après 97 % des médecins, professionnels du secteur et décideurs politiques présents hier (4 octobre) au Gastein Health Forum.
« La Corée du Nord serait fière de vous ! », a déclaré le modérateur de l’atelier, John Bowis, ancien eurodéputé et président du groupe Health First Europe, après avoir mené un sondage lors d’une conférence sur la transparence entre le public, les professionnels de la santé et l’industrie dans la ville autrichienne.
Thomas Heynisch, un fonctionnaire de la DG entreprise et industrie, a expliqué aux participants que la Commission publierait de nouvelles lignes directrices sur la responsabilité sociale des entreprises début 2013 afin de s’attaquer aux problèmes de confiance et d’éthique dans l’industrie pharmaceutique ainsi qu’à l’accès aux médicaments en Europe.
L’exécutif européen a en effet estimé qu’il existait « une certaine méfiance, surtout entre les pouvoirs publics et l’industrie pharmaceutique ».
« La Commission souhaite dépasser les codes de conduite et non introduire une nouvelle législation. Nous voulons plutôt des principes directeurs qui puissent inspirer les personnes qui travaillent dans l’industrie pharmaceutique et en dehors », a ajouté M. Heynisch en expliquant que les nouvelles lignes directrices seraient appliquées à l’échelle nationale.
L’industrie reconnaît le problème
Richard Bergström, directeur général de la Fédération européenne des associations de l’industrie pharmaceutique (EFPIA), a reconnu que la transparence et la confiance posaient problème, mais que l’industrie pharmaceutique bénéficiait d’un niveau de confiance supérieur aux autres professions. Il a convenu que « les décideurs politiques ne disposaient pas de ce niveau de confiance ».
Quant aux nouvelles règles entrées en vigueur le mois dernier, qui exigent que l’Agence européenne des médicaments (AEM) révèle les détails des tests cliniques de médicaments, il a ajouté : « De nombreuses données brutes seront du domaine public. L’industrie et le public doivent s’y retrouver pour que cela présente un intérêt pour les deux parties. »
M. Bergström a également indiqué que l’EFPIA discutait avec la profession médicale pour retrouver la confiance du public. « Dans le passé, nous n’avons pas été assez ouverts quant au nombre de personnes impliquées dans le contrôle des médicaments », a poursuivi M. Bergström, en expliquant que le nom d’un seul professeur sur une recherche scientifique donnait parfois l’impression qu’une seule personne était responsable de toute cette enquête.
Combler le fossé entre les patients et l’industrie
Un changement est également nécessaire dans les revues spécialisées, selon M. Bergström. La recherche subventionnée devrait être clairement indiquée et non mentionnée dans une note de bas de page pratiquement invisible.
« Les données alarmantes font les gros titres », a déclaré Mary Baker, présidente de l’association de patients European Brains Council, lors de la réunion. Selon elle, les patients et l’industrie restent chacun de leur côté à cause du grand nombre de mauvaises nouvelles.
« Nous sommes comme deux maisons distinctes et au milieu se trouve un fossé dans lequel on jette beaucoup de déchets », a-t-elle ajouté. Elle a tout d’abord appelé les patients participant à des essais cliniques à s’impliquer davantage dans un dialogue à long terme avec les entreprises pharmaceutiques.
« Cela ne devrait pas être trop difficile pour l’industrie d’écrire aux participants pour leur expliquer les résultats des essais et de s’engager dans un dialogue plus poussé qui permettrait plus de transparence quant aux résultats visibles », a-t-elle ajouté.
Les médecins devraient révéler les intérêts
Edwin Borman, secrétaire général de l’Union européenne des médecins spécialistes, a expliqué aux participants que les médecins (comme ceux qui prennent part à des conférences, comme lui) devraient être tenus de révéler toutes les sociétés ou les associations académiques avant d’adopter une position publique.
M. Borman, membre d’un groupe de travail sur la transparence pour la Commission européenne, a affirmé que l’intégration de procédures de responsabilité sociale des entreprises dans la recherche médicale, l’éducation et la formation répondrait en grande partie aux préoccupations sur la transparence et la confiance qui tournent autour de l’industrie.
Il a confié qu’il était particulièrement préoccupé par la hausse de l’octroi de crédits pour la formation continue lors de conférences médicales étant donné qu’elles sont souvent financées de manière peu transparente.
Attention au retour du pendule
« Nous voulons savoir s’il existe une influence inopportune. Nous voulons être certains que les compétences juridiques ont été abordées et qu’il n’y a pas de place pour les partis pris. », a-t-il ajouté.
Trevor Jones, un professionnel de l’industrie qui travaille pour plusieurs entreprises pharmaceutiques et ancien membre de l’Association of British Pharmaceutical Industries, a indiqué que les nouvelles règles AEM exigeant la divulgation de nombreuses données brutes signifiait que « le pendule était allé trop loin ».
Même s’il a reconnu que l’industrie devait faire face aux questions de confiance, il a affirmé que les données seraient disponibles pour tout le monde, ouvrant la voie aux abus de la part des plaideurs malicieux et aux intérêts des médias sans scrupules.
La collecte et le traitement du matériel représenteraient également un coût important pour l’industrie, a déclaré M. Jones lors de l’atelier.