par Shastri Ramachandaran *
Quand les cadavres se mettent à sortir des placards d’un gouvernement assiégé par des accusations de corruption, un peuple agité peut désespérer que la lutte contre la corruption de la bureaucratie en Inde puisse être autre chose que le rocher de Sisyphe.
Le mouvement de protestation populaire contre la corruption qui est mené par le militant gandhien Anna Hazare et qui a explosé sur la scène politique l’année dernière est loin de gagner en dynamisme et s’essouffle.
Ce mouvement est en perte de vitesse, même si le gouvernement est secoué par un scandale nouveau et plus grand, le Coalgate, entraînant une perte de milliards de dollars pour le Trésor public à la suite d’attribution tronquées de sites miniers pour l’exploitation du charbon. Entre 2006 et 2009, pendant le premier mandat du Premier ministre indien Manmohan Singh, dominé par l’Alliance progressiste unie (UPA), les sites miniers ont été attribués quand Singh avait le portefeuille du charbon. La perte a été estimée par le contrôleur et auditeur général Vinod Rai, évaluant l’argent que le gouvernement aurait pu gagner s’il avait opté pour un appel d’offres au lieu de distribuer les sites de charbon aux personnes haut placées. Le gouvernement a qualifié le montant de la perte de théorique, basée sur la valeur marchande du charbon lorsqu’il est extrait et, par conséquent, exagéré.
Même ainsi, il y a des faits qui mettent le gouvernement au tapis. Il existe des notes officielles en faveur de l’appel d’offres. Dasari Narayana Rao, jeune ministre du charbon à l’époque, a déclaré au Parlement le 28 Novembre 2007 que des appels d’offres pour les sites miniers ne conduiraient pas à une augmentation du prix du charbon. Ceci abat l’argument du gouvernement qui affirme que l’appel d’offres aurait fait monter le prix du charbon et par conséquent de l’électricité. Et certaines attributions sont des faveurs aux alliés politiques, à leurs amis et aux membres de leur famille.
Le contrôleur et auditeur général jouit du respect du public et sa crédibilité est forte, surtout contre un gouvernement perçu comme gangrené par la corruption. Ses rapports ont souvent déclenché des campagnes populaires contre la corruption, avec des conséquences étendues. Après ses découvertes, des têtes de responsables politiques ont roulé.
Le spectre du scandale 2G, qui a éjecté de son poste d’alors le ministre des télécoms A. Raja et l’a envoyé en prison avec ses fonctionnaires a gonflé l’image du contrôleur et éditeur général. La corruption dans les contrats et l’organisation des Jeux du Commonwealth, qui a fait perdre son emploi et jeté en prison un autre ministre, avait déjà mis l’UPA en rade quand l’arnaque des télécoms a défrayé la chronique.
Le mouvement indien contre la corruption Hazare
Le mouvement Hazare est né dans le feu de cette confrontation. L’an dernier, il a pris d’assaut le pays et ébranlé le gouvernement. Mais dans les mois qui ont suivi, sa campagne s’est révélée infructueuse aussi bien dans la capitale financière indienne de Bombay qu’à New Delhi. Quelques personnalités importantes ont abandonné le mouvement. Et la couverture à la télévision a été minime, voire inexistante. La tentative d’Hazare de relancer la campagne en août à Delhi a capoté.
Juste au moment où le mouvement aurait dû gagner en pertinence et en énergie pour aller de l’avant, voilà qu’il s’est divisé. Les figures de proue se sont détachées de Hazare et ont annoncé qu’elles allaient lancer un parti politique pour lutter contre la corruption. Cette annonce a divisé davantage les militants en deux camps: ceux qui voulaient prendre comme cible seulement le parti dominant au Parlement contre ceux qui pensent que les partis d’opposition, y compris le principal adversaire du Parlement, le parti Bharatiya Janata (BJP), ne devraient pas être épargnés.
En conséquence, il n’y a pas aujourd’hui de mouvement pour utiliser le Coalgate afin d’accélérer le programme de lutte contre la corruption, même si le BJP cherche des noises au Premier ministre. Les autres partis d’opposition y voient une occasion de devenir un point de ralliement ou une troisième voie pour ceux qui fuient le parti dominant au Parlement et le BJP. Mais leurs mains ne sont souvent pas plus propres.
Un parti impliqué est le Parti régional Samajwadi. Un ministre de ce parti, qui gouverne la province de l’Uttar Pradesh, a provoqué un tollé récemment quand il a dit aux fonctionnaires : « Si vous travaillez dur, vous pouvez voler un peu, mais le vol ne doit pas devenir pillage ». Il prétendit plus tard que ses mots ont été mal repris.
Ces développements soulignent qu’il ne peut y avoir de rapide ou d’indolore aucun remède initié par les citoyens pour une Inde souffrant de corruption. Croire que la protestation populaire ou les mouvements hors de la politique peuvent débarrasser la vie publique indienne de la corruption semble être le triomphe de l’espoir sur l’expérience.
* L’auteur est un commentateur indépendant de la politique et des affaires étrangères. Cet article paru dans le Global Times est réédité en accord avec l’auteur.