Reporters sans frontières dénonce la décision de la Cour suprême de Manama, le 30 août 2012, de prolonger de quinze jours la détention du journaliste et blogueur bahreïni Ahmed Radhi, arrêté le 16 mai dernier. Officiellement poursuivi pour “rassemblement illégal” et “trouble à l’ordre public”, son arrestation serait due à des déclarations qu’il a récemment faites sur la radio BBC Arabic et sur la chaîne d’opposition Lulu TV, basée à Londres, critiquant le projet d’union entre le Bahreïn et l’Arabie saoudite.
“Dans la continuité des décisions restreignant la liberté de la presse au Bahreïn, cette nouvelle atteinte, prononcée par la plus haute autorité judiciaire du pays, démontre la déchéance d’une institution sensée représenter l’impartialité, l’équité et rendre des décisions de justice, non pas des décisions sur la justice”, a déclaré l’organisation.
“La communauté internationale doit faire pression sur le Bahreïn, ainsi que sur l’Arabie saoudite, qui soutient ouvertement les autorités du Royaume, afin que cesse la politique de répression des voix dissidentes menée en toute impunité par la monarchie. Nous appelons les autorités du pays à revenir sur cette décision, et à lever les charges pesant sur les journalistes et les personnes arrêtées pour avoir fait usage de leur liberté d’expression”, a réaffirmé l’organisation.
D’après les informations recueillies par Reporters sans frontières, Ahmed Radhi a subi de nombreuses violences physiques et psychologiques en prison, afin de le contraindre à avouer des délits, pour lesquels il est aujourd’hui poursuivi. Le renouvellement de sa détention prouve que les propos du roi selon lesquels il n’y aurait plus de journalistes emprisonnés en raison de leurs opinions ne sont qu’un leurre.
Au delà du maintien en détention du journaliste, la décision constitue une violation des recommandations faites par la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn de Mr Bassiouni (conclusions rendues en novembre 2011), appelant à renoncer aux détentions des professionnels des médias dont le seul tort est d’avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et d’avoir exprimé leurs opinions. La Commission avait appelé les autorités à assouplir le contrôle sur les médias et à donner à l’opposition un accès plus important aux médias publics, que ce soit la télévision, la radio ou la presse écrite.
Par ailleurs, la haute Cour d’appel de Manama a confirmé, le 3 septembre 2012, la peine de prison contre vingt personnalités de l’opposition accusées d’avoir prétendument comploté pour renverser le régime. Huit d’entre elles ont été condamnées à de la prison à vie, les autres à des peines de prison allant de cinq à quinze ans. Parmi les condamnés, Abdullah Al-Khawaja, qui a mené pendant 110 jours une grève de la faim placée sous le slogan « la mort ou la liberté », pour protester contre sa détention.
Contexte :
Les exactions contre les journalistes au Bahreïn s’inscrivent dans un environnement alarmant de régression de la liberté de la presse, notamment depuis la déclaration de l’état d’urgence, le 15 mars 2011, destiné à mâter le soulèvement populaire, commencé un mois plus tôt. Le pouvoir en place s’est acharné contre les professionnels des médias, témoins gênants de cette répression, en menant une politique d’arrestations arbitraires et systématiques, et d’agressions physiques à l’encontre notamment des preneurs d’images. Sans oublier la mort en détention de Karim Fakhrawi, l’un des fondateurs du journal indépendant Al-Wasat, et de Zakariya Rashid Hassan, administrateur d’un site Web, dans la ville d’Al-Dair, et celle, le 31 mars 2012, de Ahmed Ismail Hussain, tué par balle alors qu’il filmait une manifestation pacifique dans le village de Salmabad (sud-ouest de la capitale).
Le roi Hamad Ben Aissa Al-Khalifa figure sur la liste des prédateurs de la liberté de la presse, établie par Reporters sans frontières.