En choisissant de brûler ses stocks d’ivoire estimés à cinq tonnes, le Gabon a certes fait des yeux doux à la communauté internationale ainsi qu’aux organisations de défense de l’environnement. Mais au fond, certaines langues restent sceptiques et pensent que cela ne stoppera pas l’abattage sauvage des éléphants dans les réserves africaines. Selon elles, le mal est ailleurs.
Le massacre des éléphants est le premier maillon de la chaîne du commerce illégal de l’ivoire. Viennent ensuite les trafiquants, qui font passer l’ivoire de contrebande aux frontières de nombreux pays à travers la planète. Enfin, à l’autre bout de la chaîne, tout cela se termine par la vente sous le manteau de sculptures, de tampons et de breloques sur les marchés asiatiques notamment.
Le Président gabonais s’efforce ainsi de briser un de ces maillons en concentrant ses efforts sur le commerce de l’ivoire. De par sa situation privilégiée au centre du bassin du Congo, le Gabon se caractérise aujourd’hui par une stabilité politique et une profonde réorientation de sa stratégie de développement après une baisse consécutive des recettes pétrolière qui, jadis faisait la fierté du pays. Le secteur forestier est à juste titre considéré comme l’un des piliers de développement économique du pays. Le 27 Juin dernier, le Gabon a lancé un message fort à l’endroit des braconniers, bras séculier du commerce illégal de l’ivoire. En brûlant 850 défenses d’éléphants, soit l’équivalent de 5 tonnes d’ivoire et cinq milliards de CFA. Cet acte, décidé par la plus haute autorité du pays, à savoir le président gabonais Ali Bongo, est une première en Afrique noire. Le gouvernement gabonais démontre ainsi que le seul moyen de combattre efficacement le trafic d’ivoire est de réduire sa présence sur le marché. En brûlant ces défenses saisies entre les mains des braconniers, le Gabon vide ainsi son stock d’ivoire dont les plus anciens datent de 1985. L’événement s’est déroulé sous le regard déterminé du président gabonais assisté des membres des organisations de défenses de la faune à l’instar de WWF. Comme il essaie de le faire avec la corruption, le président gabonais a donné un coup de pieds dans la fourmilière.
Malheureusement cette initiative prise par l’Etat gabonais n’a pas fait l’unanimité au sein de la classe socio-politique gabonaise. Certains observateurs avertis pensent que ceux qui ont pris et exécuté une telle décision n’ont pas pensé aux populations très pauvres qui vivent autour des aires protégées et qui entretiennent efficacement les filières de braconnage. Au lieu de faire partir cet ivoire en fumée, ce trésor pouvait être conservé et vendu officiellement, le produit de la vente injecté dans des projets en faveur de la faune.
Le braconnage tel qu’il sévit dans les aires protégées en Afrique est à la fois professionnel et amateur: le premier est entretenu par des hommes lourdement armés. Il est ponctuel, sporadique, et aux conséquences énormes. Le second est tenu par les populations locales généralement pauvres qui chassent pour vivre. La question est donc de connaître les causes qui incitent la population à braconner.
La population vivant aux alentours des aires protégées est pauvre et de plus en plus nombreuse. Elle exerce une pression sur la partie protégée, à la recherche des terres cultivables et des produits de première nécessité tels que le bois de chauffe et le bois de construction, le gibier, les champignons et les plantes médicinales. Avec l’érection des villes et cités et la création des petits centres autour des aires protégées, la flore et la faune en prennent forcément un coup. Des déboisements irréfléchis, des champs érigés par-ci par-là sur les collines mais aussi des forage à la recherche de minerais ont suivi.