Les procédures

Deux requêtes ont été déposées par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE).

Une requête en nullité demande à la Cour de déclarer la loi 78 « invalide, inopérante et sans effet ». Elle allègue qu’une partie de la loi est contraire aux chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, alors que l’autre partie viole le droit international.

Une requête en sursis cherche à faire bloquer immédiatement, en attendant l’issue des procédures, l’application des articles encadrant les manifestations. La requête demande aussi de surseoir à l’application des articles permettant au ministère de l’Éducation de priver une association des cotisations étudiantes auxquelles elle aurait normalement droit.

Les allégations

Les associations soutiennent que la Loi 78, ou la Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent, est inconstitutionnelle sur trois principaux points.

D’abord, les articles 16 et 17 qui exigent que tout rassemblement de plus de 50 personnes soit déclaré aux autorités seraient contraires à la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique. Les demandeurs considèrent déraisonnable le fait que les policiers puissent à leur discrétion exiger un changement de lieu ou une modification de l’itinéraire projeté. Ils ajoutent que la cible « arbitraire » et « aléatoire » de 50 personnes empêche toute manifestation spontanée.

Ils concluent que la loi ne vise pas à réglementer les manifestations pour assurer la sécurité du public, mais plutôt à limiter la liberté d’expression des manifestants. Il s’agirait donc d’un déguisement législatif.

La requête allègue aussi une violation de la liberté d’association. Elle soutient que les articles 18 à 21 de la loi d’exception accordent au gouvernement « des pouvoirs extraordinaires permettant de mettre fin à l’existence des associations étudiantes ». Ces dispositions permettent en effet au ministère de l’Éducation de couper le financement aux associations étudiantes et de les empêcher d’avoir accès gratuitement à un local, à du mobilier et à des présentoirs. Ces éléments sont pourtant considérés comme essentiels aux activités associatives par la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élève ou d’étudiants.

Enfin, la requête dénonce la sévérité des amendes imposées par la loi d’exception. Elles varient entre 1 000$ et 125 000$ et sont doublées en cas de récidives. Elles peuvent d’ailleurs être imposées à des mineurs, malgré la limite de 100$ prescrite par le Code de procédure pénale. Les associations plaident que ce caractère « arbitrairement disproportionné » des amendes viole la protection constitutionnelle contre les peines inusitées.

Justifier ou ne pas justifier l’atteinte

La protection de la liberté d’expression et de la liberté d’association par les chartes québécoise et canadienne n’est pas absolue. Le gouvernement peut imposer des limites aux libertés fondamentales. Ces limites doivent toutefois être justifiées.

La loi contestée peut être justifiée si elle poursuit un objectif aussi urgent que réel, que les restrictions ont un lien avec cet objectif et que l’atteinte aux droits est minimale.

Ici, l’objectif officiel de la loi est de « permettre aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements » qu’ils fréquentent. La requête en nullité signale à répétition l’absence de lien rationnel entre cet objectif et les différentes limites imposées à la liberté d’expression et la liberté d’association. Elle note aussi que les moyens utilisés par le gouvernement sont disproportionnés. En d’autres termes, il serait possible pour le gouvernement d’atteindre ses objectifs d’une manière moins attentatoire aux droits des citoyens.

Ces éléments sont sommairement énumérés, mais peu développés dans la requête. Ce silence est d’autant plus étonnant que la rhétorique gouvernementale oppose depuis le début du conflit les droits revendiqués par les associations étudiantes au droit d’accès à l’éducation. Il y a donc fort à parier que la Cour sera appelée à pondérer ces positions contradictoires dans un contexte essentiellement théorique.

Les leaders étudiants ont demandé le report de l’audition de leur requête en sursis «pour ne pas lier politique et tribunaux».

Source: http://www.faitsetcauses.com/2012/05/31/survol-de-la-contestation-judiciaire-de-la-loi-78/