Nous étions peut-être 250,000 à 300,000. Difficile de confirmer le nombre exact de personnes tant il y avait de gens. C’était mardi 22 mai, au 100ème jour du conflit étudiant du Québec, le plus long conflit de l’histoire des grèves étudiantes du Canada.
L’itinéraire de la grande manifestation a été remis au service de l’ordre, (les policiers), 8 heures à l’avance comme le stipule la nouvelle Loi spéciale 78. Le rassemblement s’est fait à 14h00 Place des Festivals à Montréal, les organisateurs étudiants et les leaders des «vieux» syndicats scandaient des slogans sur la renaissance de la Nouvelle Gauche. Mais on ne connaît toujours pas les idées ni le nom de cette Gauche. Le départ de la place s’est fait sur le coup de 14h40, la place était bondée de gens.
Plusieurs manifestants portaient trompettes, tambours et sifflets. Les derniers manifestants partirent seulement vers 16h30 tant il y avait du «monde». Dans la manifestation, j’ai vu surtout des milliers et des milliers de jeunes étudiants, mais aussi des travailleurs, des grands-parents, des professeurs, des avocats et des groupes communautaires. En fait, il y avait tous les types de gens provenant de tous les coins de Montréal et des banlieues. Tous dénonçaient d’une seule voix la nouvelle Loi matraque et les hausses des droits de scolarité imposées par le gouvernement Charest.
Les étudiants du mouvement de la CLASSE avaient prévenu tous les manifestants avant le départ qu’à l’intersection des rues Jeanne – et Mance, ils tourneraient sur gauche car ils souhaitaient défier la Loi 78. Les autres manifestants étaient invités à tourner sur la droite afin de poursuivre l’itinéraire remis la veille aux policiers. Arrivés à ladite intersection, «coup de théâtre», nous avons tous tourné sur la gauche et suivi les manifestants de la CLASSE. Un peu plus loin, à d’autres intersections, la grande manifestation s’est scindée en deux puis en trois parties pour bloquer complètement le centre-ville de Montréal à en pleine heure de pointe. Quel spectacle! Les policiers n’ont simplement rien pu faire pour arrêter la mer «humaine».
C’est comme ça que 250,000 à 300,000 personnes ont réalisé la plus grande désobéissance civile non-violente et festive du Canada.
Un peu plus tard dans la journée, les politiciens à l’Assemblée Nationale du Québec se sont accusés mutuellement devant l’impasse sociale et juridique créée depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi 78. Tandis que les grands médias n’ont pas osé parler de grande «désobéissance civile» mais ont plutôt préféré expliquer «à l’opinion publique» que les forces de l’ordre, (les policiers), avaient simplement opté de ne pas appliquer la nouvelle Loi 78. Pourtant quelques jours plus tard, les mêmes dirigeants des forces de l’ordre expliquaient que les organisateurs de la grande manifestation pourraient recevoir des amendes importantes pour non respect de la nouvelle Loi 78.
Imaginons un peu si 250,000 à 300,000 personnes avaient reçu une amende allant de 1,000 à 5,000$ pour avoir participé à une manifestation illégale. Imaginons un peu si 250,000 à 300,000 personnes contestaient les amendes devant les tribunaux! Quel gigantesque blocage systématique des tribunaux! Il semble assez clair que le gouvernement Charest n’a rien compris à la démocratie réelle et se cache derrière la démocratie formelle!