Accusée de violation de l’article 15 du Computer Crimes Act et du paragraphe 112 du code pénal, Chiranuch Premchaiporn risque jusqu’à vingt ans de prison pour des commentaires insultant envers la monarchie postés sur le site Prachatai, et qu’il lui est reproché de ne pas avoir supprimés assez rapidement. (Lire les précédents communiqués de Reporters sans frontières au sujet de cette affaire)

Les cinq témoignages de la défense ont joué en faveur de Jiew, selon son avocat. A l’issue de l’audience du 14 février, la directrice de Prachatai a fait part à Reporters sans frontières de sa satisfaction, les témoins présentés par la défense ayant pu être entendus par la cour.

Reporters sans frontières a pu s’entretenir avec Jiew au sujet de son procès et de la façon dont les médias de Thaïlande ont traité cette affaire, et de la censure en général dans le pays.

L’organisation appelle la justice à reconnaître l’innocence de la directrice de Prachatai et à abandonner les charges pesant contre elle.

**Compte-rendu des auditions des témoins de la défense**

Le 14 février, la cour a auditionné Kittiphum Juthasmit, modérateur du site Prachatai, Sawatree Suksri, enseignante en droit à l’université Thammassat, et Jittat Facckaroenphol, enseignant en informatique de l’université Kasetsart, qui a exposé les difficultés de la modération d’un forum.

Kittiphum Juthasmit a témoigné que la direction de Prachatai avait constitué une équipe d’une douzaine de modérateurs bénévoles, composée, entre autres, d’internautes, et chargée de supprimer tout commentaire jugé illégal. Après le coup d’Etat du 19 septembre 2006, en raison de la multiplication exponentielle des commentaires, la mission des modérateurs est devenue impossible, et tous les messages n’ont pu être vérifiés.

Sawatree Suksri a soumis son témoignage écrit, dans lequel elle a remis en question la législation, et notamment le Computer Act, au regard des régulations en vigueur dans d’autres pays concernant la modération de commentaires.

Jittat Fakcharoenphol a témoigné des efforts de la direction de Prachatai pour améliorer le système de modération déjà en place, des efforts avortés par la fermeture du forum du site a exposé les difficultés de la modération d’un forum.

Reporters sans frontières a pu assister aux audiences du 15 et du 16 février 2012. Wanchat Padungrat, propriétaire et administrateur du site Pantip.com (le portail web le plus important du pays), a été auditionné par la cour le 15 février. Pantip.com est équipé d’un logiciel de filtrage par mots-clés, et une équipe de cinq à six modérateurs est employée à plein temps pour modérer les messages postés par les internautes. En dépit de ces précautions, il est impossible selon Wanchat Padungrat de vérifier tous les contenus, en raison de leur quantité et parfois de leur ambiguïté. Il a ajouté que la vérification préalable des messages avant publication a un coût qu’aucun site local ne peut assumer. Enfin, l’administrateur a déclaré que certains internautes ayant posté des commentaires sur son site ont été poursuivis pour violation du Computer Crimes Act, mais jamais son entreprise. Il a par la suite affirmé qu’il était impossible de surveiller et valider tous les commentaires, d’un point de vue technique comme économique.

Une trentaine de personnes étaient présentes dans la salle, le 16 février, dont des représentants des Ambassades du Canada, de Suède, de Finlande, des Etats-Unis, une représentante de la Commission d’Helsinki, ainsi que des activistes – notamment CJ Hinke de l’organisation Fight Against Censorhip in Thailand (FACT).

Le dernier témoin auditionné, le professeur Pirongrong Ramasoota, chercheur en communications a l’Université Chulalongkorn de Bangkok, n’a pas eu à exposer son témoignage devant la cour car le procureur a accepté le document qu’elle apportait sans le questionner. « C’est bon signe », a déclaré l’avocat à Reporters sans frontières à la sortie du tribunal. En approuvant le document, [le procureur] en approuve le contenu entier, ce qui plaide en notre faveur. Depuis mardi, la Cour est équitable et écoute tous nos arguments. Le juge a même affirmé qu’il était conscient que les standards internationaux en termes de régulation de forums sur internet le forçait à être très attentif à ce cas », a-t-il ajouté. Le document présenté par le professeur Pirongrong est une thèse sur la régulation des forums sur Internet depuis le coup d’Etat du 19 septembre 2006, dans lequel Prachatai est présenté comme une étude de cas.

Le Professeur Pirongrong a déclaré à Reporters sans frontières que « depuis le coup d’Etat, chaque média en ligne doit prendre de réelles précautions dans la publication de ses contenus. Mais ce document atteste que la directrice de Prachatai avait adopté une politique de publication selon laquelle le site se réservait le droit de ‘supprimer toute information semblant fausse qui ne pouvait pas être vérifiée’, ce qui montre qu’elle avait pris les précautions nécessaires, dès 2006, pour ne pas être poursuivie en justice ».

Durant l’audience, le juge a insisté sur le fait que le cas de Prachatai n’était pas un cas politique mais neutre. Si le verdict rendu le 30 avril ne satisfait pas une des parties, il sera toujours possible de faire appel à un niveau supérieur. La défense dispose de trente jours pour soumettre son témoignage écrit définitif, à compter du 16 février 2012.