La messagerie instantanée des smartphones, BlackBerry Messenger (BBM), a été pointée du doigt par les autorités britanniques pour avoir été utilisée comme moyen de communication entre les émeutiers. Son système utilisant Internet plutôt que le réseau téléphonique, et nécessitant une authentification de l’utilisateur, rend difficile le traçage des messages. RIM, remédiant à cette difficulté, a déjà livré à Scotland Yard des données personnelles sur plusieurs utilisateurs de ses smartphones, sans réelle considération pour la protection des données personnelles. « Nous sommes engagés avec les autorités afin d’aider comme nous le pourrons », a déclaré l’entreprise sur Twitter.
Quelles seront les conséquences de cette coopération sur le respect de la vie privée des utilisateurs des BlackBerry, et sur leur droit à échanger de l’information librement sans contrôle ni entrave ? Si la transmission de données est suivie d’arrestations, il conviendra de s’interroger sur la validité des preuves fournies, et la légalité de leur acquisition. Reporters sans frontières craint également une éventuelle violation de l’habeas corpus.
Loin de sous-estimer la situation actuelle au Royaume-Uni et l’urgence de rétablir l’ordre, Reporters sans frontières estime que la mise à disposition des données personnelles à la police constitue un précédent inquiétant dans un pays occidental, et pourrait avoir des conséquences importantes en terme d’exemplarité sur d’autres régimes.
L’organisation s’étonne d’un certain nombre de déclarations de responsables politiques britanniques. David Lammy, élu de Tottenham, a été jusqu’à demander à BlackBerry de réfléchir à la possibilité de suspendre son service de messagerie. Une suggestion surprenante dans un Etat de droit, mais aussi lourde de conséquences : les risques de dérives liberticides sont désormais réels.
Enfin, nous mettons en garde les autorités britanniques contre toute mesure visant à fermer ou restreindre de façon drastique l’utilisation des réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter.
L’organisation voit d’un très mauvais œil la déclaration qui a été faite par le Premier ministre David Cameron selon lequel les grandes chaînes de télévision ont la responsabilité de remettre leurs rush sur les émeutes à la police, ce qui tendrait à faire de la presse un auxilliaire des forces de l’ordre, mettant gravement en danger leur indépendance.
RIM a souvent été soumis aux pressions des gouvernements. L’entreprise a déjà cédé plusieurs fois aux ultimatums d’Etats répressifs demandant le filtrage de certains sites, l’accès aux données des utilisateurs du smartphone ou la censure des services cryptés. La compagnie canadienne a ainsi accédé aux demandes des Emirats arabes unis et de l’Arabie Saoudite. Reporters sans frontières s’inquiète du fait que le Royaume-Uni fasse à son tour pression sur une entreprise de télécommunication.
Les Emirat arabes unis ont déjà imposé leur droit auprès du fabricant du smartphone : depuis le 1er mai, BES, qui fait transiter les messages par des serveurs basés à l’étranger, est bloqué dans le royaume. En Arabie Saoudite, pour contourner le problème d’accès, les autorités ont préféré demander l’installation d’un serveur dans le pays, auquel elle aura accès sur mandat judiciaire.
Reporters sans frontières demande à RIM d’engager une réelle réflexion sur sa responsabilité sociale, en partenariat avec les organisations de défense des libertés. L’organisation appelle également les politiques britanniques à faire preuve de la plus grande prudence sur l’éventuel contrôle ou suspension des services des smartphones, et demande l’abandon de la politique de collecte des données privées sans ordre judiciaire préalable.