Aujourd’hui, l’absence de cadre légal ne permet pas de faire une distinction franche entre tous ceux qui revendiquent le statut de médecin traditionnel. Dans ce lot, on y trouve : des naturopathes, des guérisseurs traditionnels, des psycho naturopathes, des charlatans et des médecins traditionnels proprement dit. Cette confusion crée un cafouillage dans cette médecine à laquelle près de 80% de camerounais ont régulièrement recours. En 2002, l’Organisation mondiale de la santé(OMS) avait publié des directives visant à aider les pays comme le Cameroun à réglementer la médecine traditionnelle, ce qui est en train d’être fait aujourd’hui par les autorités camerounaises. Le texte de loi-cadre qui doit être bientôt publié permettra d’intégrer dans le système de soins de santé des pratiques de médecine traditionnelle.
La médecine traditionnelle est définie par l’Organisation mondiale de la santé comme étant l’ensemble des connaissances et des pratiques, explicables ou non, utilisées pour diagnostiquer, prévenir ou éliminer des maladies physiques, mentales ou sociales. Et qui peuvent se fonder essentiellement sur des expériences ou des observations passées transmises de génération en génération oralement ou par écrit. Le travail des médecins traditionnels était jusqu’ici confiné à soigner les patients « exclus » de la médecine moderne. Aujourd’hui, de plus en plus de camerounais font confiance aux médecins traditionnels, encore appelés tradi-praticiens ou naturopathes. Dans les rues du pays, on peut voir ainsi une foule de personnes, sous un soleil accablant, écouter obstinément un orateur- naturopathe posté derrière sa voiture avec la malle arrière ouverte, vantant les bienfaits de ses produits naturel. Muni d’un micro et d’un haut parleur, il communie avec la foule en touchant aux problèmes de santé élémentaire.
De plus, de nombreux camerounais moins nantis n’ont pas d’autre choix que de faire recours aux médecins traditionnels. Ces derniers sont le plus souvent les premiers et les derniers remparts des maladies contagieuses. La démarche est simple : lorsqu’il est frappé par une maladie infectieuse, le patient moins nanti ou ignorant va d’abord voir chez un médecin traditionnel ou tradi-praticien. C’est lorsqu’il n’obtient pas la guérison qu’il frappe à la porte de la médecine moderne.
Et à l’inverse aussi, les cas les plus désespéré de la médecine moderne finissent par se diriger vers la médecine traditionnelle.
Même en l’absence d’un cadre réglementaire, le fossé qui sépare les médecins modernes et les tradi-praticiens s’est considérablement résorbé ces dernières années. En avril 2007, le gouvernement camerounais, avait introduit un projet de loi visant non seulement à assainir le secteur de la médecine traditionnelle mais aussi a résorber certains problèmes para physiques auxquels la médecine moderne est souvent confrontée. Ce texte permettra aux corps de métiers se rattachant à la médecine traditionnelle d’être éclaircis. Il en sera ainsi des naturopathes, la pharmacopée, la phytothérapie, la pharmacie traditionnelle africaine et la voyance. En plus, une collaboration doit désormais exister entre les praticiens de la médecine traditionnelle et ceux de la médecine moderne. Ce qui évitera des situations de dérive comme il y a quelques années où l’autorité en charge de la santé publique avait frappé le poing sur la table en fermant systématiquement des cliniques de médecine naturelle dont les promoteurs prétendaient soigner le VIH/sida. Il n’était pas possible à cette époque d’évaluer ces affirmations sans l’existence d’un organe comme le Conseil national des tradi-praticiens du Cameroun ou le comité consultatif national du même corps prévu dans la nouvelle loi cadre. « Il est avéré que certaines plantes réagissent favorablement à certaines des infections liées au VIH/sida, mais il est important de les étudier au préalable, comprendre leur action avant de prendre position » déclare un responsable du ministère de la santé publique.
Avec la nouvelle réglementation, les choses ne seront plus comme avant. Pour exercer, le tradi-praticien devra être titulaire d’un certificat délivré par le ministère de la santé publique. Et pour obtenir ce document, il devra être reconnu dans son entourage et par l’autorité traditionnelle de son village. Les médecins traditionnels devront désormais arrimer leur pharmacopée aux normes élémentaires de la médecine moderne, notamment la disponibilité d’une posologie et la conservation des médicaments, la plupart des médicaments utilisés dans ce domaine n’ayant pas été validé par des recherches scientifiques. Cette profession étant fortement rattachée aux ressources naturelles, des mécanismes de protection de la nature ainsi de la propriété intellectuelle seront également mis en place, l’objectif étant de respecter les accords sur la diversité biologique, notamment celui sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce(ADPIC). Les us et coutumes d’une communauté basés sur les herbes et les écorces médicinales constituent des enseignements de grande valeur pour les chercheurs à la recherche de nouveaux médicaments.
En comblant ce vide juridique, les autorités camerounaises permettent aux tradi-praticien d’avoir une main tendue vers les chercheurs et pharmaciens occidentaux qui peuvent s’unir pour la recherche de nouveaux médicaments. Les médecins traditionnels s’avéreront plus efficaces lorsqu’il s’agira de faire face aux épidémies à l’intérieur du pays. En effet, ces derniers vivent pour la plupart au sein des communautés et sont toujours les premiers à constater les premiers signes de la maladie. Conscient du rôle qu’ils jouent dans ce cas là, un naturopathe estime « qu’un réseau de communication étanche devrait exister entre nous qui sommes en aval et les autorités en charge de la santé publique en amont. Les responsables de la santé publique lancent le plus souvent les campagne de sensibilisation et d’information de masse sur les épidémie dans nos villages sans nous associer, alors que nous constituons une source potentielle d’information sur la maladie et les mesures à prendre pour passer le message de prévention»
Au Cameroun, nombre de médecin traditionnels sont disposés à accepter les principes de la médecine moderne. Certains, au préalable y envoient leurs patients faire un diagnostic avant tout traitement. C’est l’inverse qui n’est pas possible. Au regard des prouesses réalisés par la médecine traditionnelle ces dernières années, il est judicieux qu’elle soit intégrée dans le système national de santé.
François Tekam