Ce qui se passe autour de ce recrutement massif dans la fonction publique est incroyable. Près de 4 millions de jeunes diplômés se sont lancés à l’assaut de ce concours qui débouchera sur un emploi pour 25000 d’entre eux. Annoncée par le président de la république, la nouvelle avait dans un premier temps semblé utopie au regard de la situation économique du pays. En plus il faut débourser moins de 5000f CFA pour constituer les dossiers qui, en temps normal coûterait plus de 40000f CFA. C’est lorsque le premier ministre chef du gouvernement a créé une commission en charge dudit recrutement que même les plus sceptiques ont commencé à croire. La question suscite moult interrogations pour un pays qui sort d’un apurement de l’effectif de la fonction publique. Ces interrogations n’ont pas laissé de marbre les responsables de la banque mondiale dont les émissaires ont séjournés au Cameroun pour essayer de comprendre le pourquoi de ce recrutement massif, et surtout d’avoir la réponse à la question « d’où viendra l’argent pour payer ces nouveaux fonctionnaires ? ». Les autorités se sont bornées à soutenir que le pays allait trouver les ressources financières nécessaires pour faire face à cette nouvelle masse salariale sans toutefois être plus convaincantes. Pourtant, la banque mondiale s’attendait à des chiffres en ordre de grandeur et leur provenance. En quittant le pays cette question ne semblait pas être claire.
Sur le terrain, par millions, les jeunes se bousculent pour décrocher un récépissé de dépôt de dossier de candidature à ce recrutement. On avait frôlé le pire les premiers jours avec des évanouissements et des frustrations diverses sur l’esplanade des services du gouverneur de la région du centre, unique centre de dépôt de dossier. Heureusement, la décentralisation de ces centres dans les huit sous-préfectures de la capitale a permis de diminuer la bousculade mais sans résoudre le problème des files d’attentes. De plus en plus nombreux, ils doivent braver le soleil et la pluie, pendant des jours durant pour déposer leurs dossiers. Plus la date du 14 avril approche, plus ils sont nombreux et excités, hantés par la peur de ne pas pouvoir déposer leurs dossiers avant cette date qui est le délai de recevabilité.
On se pose la question de savoir si les jeunes répondraient toujours massivement si l’annonce avait été faite pour envoyer 25000 jeunes pour cultiver le manioc et maïs dans les villages. Bien sûr que non. Depuis plus de deux décennies, le fonctionnariat n’est plus un sacerdoce. Il est devenu un poste où l’on vient s’enrichir tout simplement. La notion de service public a foutu le camp au profit du service individuel. C’est ce qui a d’ailleurs contribué à développer la corruption dans l’administration camerounaise. Il est fréquent de voir le fonctionnaire mettre ses intérêts personnels avant l’intérêt général. Dans un projet de construction de route par exemple, l’intérêt de ce qui rentrera dans les poches de certains est plus important que le service que cette voie de communication apportera à des millions de personnes. Pire encore lorsque quelqu’un est nommé à un poste « haut placé » dans l’administration, il organise une fête où l’on chante, danse et mange. Non sans dire merci à celui qui l’a nommé.
Il est aujourd’hui important de faire comprendre aux millions de jeunes diplômés camerounais que l’administration n’est pas l’unique fournisseur d’emploi. Le secteur agricole est un puissant pourvoyeur d’emploi.
Encourageons donc nos autorités à promouvoir ce secteur prometteur pour le futur, afin de le rendre plus accessible aux jeunes.