« *Nous nous sommes préparés bien avant que Benghazi ne bouge. Nous avons commencé à nous organiser dès le 2 janvier, lorsqu’on a compris que les Tunisiens étaient en train de renverser le régime de Ben Ali grâce à des outils dont nous disposons nous aussi: Internet les réseaux sociaux* », raconte le jeune homme, exilé de l’autre côté de Ras Jdir, le principal poste frontière séparant la Libye de la Tunisie.
Omar n’utilise pas Facebook, ni Twitter. Ses amis non plus. «*Nous avons volontairement évité ces deux outils parce qu’ils sont très surveillés en Libye. Nous avons opté pour une méthode plus discrète et plus adaptée au contexte national: les sites de rencontre amoureux, comme www.mawadat.net, qui n’attirent pas l’attention des autorités dans le monde arabe*», explique-t-il.
**«Ma chérie, mon amour»**
Le 2 janvier, jour où Omar a ouvert son premier compte sur le site saoudien, il n’avait qu’une vingtaine d’amis, «*tous des proches avec lesquels j’étais en contact dans la vie de tous les jours et qui étaient aussi engagés contre la dictature de Kadhafi*». Leur objectif immédiat: «Rassembler le maximum de jeunes pour faire comme les Tunisiens, qui n’avaient pas d’autres armes que ça», explique-t-il en exhibant un ordinateur portable.
Le «Parti de la Différence», le mouvement clandestin mis sur pied grâce à Internet, compte à ce jour «173 323 membres», précise-t-il. «Je suis le coordinateur du réseau», explique encore Omar. «Je suis inscrit sous un pseudonyme, «’Ayna Maryam» (Où est Marie?), qui laisse croire que je suis une femme. Mes amis doivent donc m’écrire comme s’ils écrivaient à une jeune fille qu’ils veulent connaître ou épouser. Lorsque l’un d’entre eux réussit à recruter des volontaires pour les manifestations, il doit toujours commencer par l’expression «Ma chérie ou mon amour», puis m’indiquer le code convenu», détaille-t-il.
Pourquoi le «Parti de la Différence»? «Pour nous distinguer des mouvements politiques traditionnels. Eux cherchent le pouvoir, alors que nous, nous ne cherchons que la liberté. Eux sont souvent organisés sur des bases archaïques, comme l’appartenance régionale, tribale, idéologique ou religieuse. Nous sommes un mouvement fondé sur une seule idée essentielle: la liberté de l’homme et du citoyen», plaide-t-il.
**A la frontière tunisienne**
Si Omar a visité quelques pays étrangers, il a toujours vécu en Libye. L’accent bédouin, le visage mal rasé et le costume froissé ne distingue guère ce fils d’une chefferie tribale de l’ouest du pays de la majorité de ses compatriotes. Il n’est ni le Slim Amamou tunisien, ni le Wael Ghanim égyptien, ces deux jeunes blogueurs à l’éducation urbaine et occidentale qui ont joué un rôle déterminant dans la chute de Ben Ali et de Moubarak.
Omar n’a presque pas participé aux manifestations anti-Kadhafi à Tripoli. Dès que celles-ci ont commencé dimanche, il s’est posté de l’autre côté de la frontière, en Tunisie «C’était prévu avec mes amis. Il nous fallait quelqu’un hors du pays pour constituer un relais avec le reste du monde. D’abord pour mobiliser l’opinion internationale. Ensuite pour organiser l’acheminement de médicaments.»
Omar s’est installé à Ben Gardane, une petite ville située à une demi-heure de la frontière. De là, il tente d’organiser des convois d’aide médicale pour les manifestants libyens. Mais aucun n’a pu gagner le pays. Les gardes-frontière libyens restés fidèles au colonel Kadhafi leur bloquent le passage.
«Ça ne me décourage pas. Tôt ou tard, les convois vont traverser et moi aussi. Les jours du tyran sont comptés. Il n’y a pas que Tripoli ou Benghazi qui se sont révoltées. Tout le pays est dans la rue. Seuls restent ceux qui ont tout à craindre d’un changement de régime.
**Source: PlanetPositive.org**