Pressenza Washington, 21/12/2010 La guerre en Afghanistan est à présent la plus longue de l’histoire des Etats Unis et l’an 2010 a vu le plus grand nombre de soldats américains et de l’OTAN tués.
A l’heure d’écrire ces lignes, 497 des 709 décès enregistrés pour la coalition concernent des soldats américains. Le site internet Casualties a précisément répertorié les noms de ces morts. Il n’existe pas de liste complète des Afghans tués. Mais une chose est certaine. Ces 497 soldats américains, sous le commandement du « garçon qui revient » ne reviendront jamais plus.
Le 3 décembre, le commandant en chef Obama rendait une visite surprise à ses troupes en Afghanistan, les saluant et leur parlant à la base aérienne de Bagram, construite par les Soviétiques durant l’invasion et l’occupation ratées de l’Afghanistan. A présent occupée par des troupes américaines, elle est aussi l’emplacement d’un centre de détention bien connu.
Le 10 décembre 2002, 8 ans avant le discours d’Obama, un jeune Afghan nommé Dilawar fut battu à mort à Bagram. Le calvaire de son arrestation injustifiée, de sa torture et son meurtre, se retrouve décrit dans le documentaire d’Alex Gimney « Taxi pour le côté sombre »récompensé par un oscar. Dilawar n’a pas été le seul torturé et tué par les soldats américains.
Obama a déclaré aux troupes « Nous avons dit que nous allions briser l’élan des Talibans et c’est ce que vous faites. Vous passez à l’offensive, lassés de rester sur la défensive, visant leurs chefs, les chassant de leurs bastions. Nous pouvons être fiers aujourd’hui de compter moins de zones sous contrôle des Talibans et de voir plus d’Afghans ayant une chance de bâtir un futur d’espoir. »
Les faits du terrain contredisent de partout cette vision en rose. Les cartes établies par les Nations Unies, indiquant l’évaluation des risques en Afghanistan, ont été révélées par le Wall Street Journal. Ces cartes décrivent les risques pour les opérations des Nations Unies dans chaque district de l’Afghanistan, les classant en « risque très élevé », « risque élevé », « risque moyen » et « risque faible ». Le journal signale qu’entre mars et octobre 2010, les Nations Unies ont estimé que le sud de l’Afghanistan est resté à « risque très élevé » tandis que 16 districts ont été relevés à « risque élevé » alors que les zones de « risque faible » se réduisaient considérablement.
D’après le porte-parole de l’OTAN, le brigadier-général Joseph Blotz, « la saison des combats ne se termine pas… nous verrons plus de violence en 2011 ».
Bien avant que WikiLeaks ne révèle un ensemble de communications diplomatiques américaines, deux documents clés étaient révélés par le New York Times. Les « communications d’Eikenberry » : deux notes du général Karl Eikenberry, ambassadeur américain en Afghanistan, à la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, lui conseillant une approche différente de la guerre en Afghanistan, insistant sur le développement plutôt que sur l’envoi de troupes. Eikenberry y relevait le risque que « nous serons plus profondément engagés ici sans pouvoir nous en dégager, sauf à laisser le pays redescendre dans le chaos ».
Une menace plus importante qu’une coalition internationale instable se dessine pour l’administration Obama, c’est l’opposition croissante à la guerre dans l’opinion publique au pays. Un sondage récent du Washington Post et d’ABC News indique 60 pourcents croyant que la guerre ne mérite pas d’être menée, à comparer aux 47 pourcents de 2007. Le Congrès se renouvelant avec des lames aiguisées en prévision de coupes dans le budget, les quelque 6 milliards de dollars dépensés chaque mois pour la guerre en Afghanistan formeront sans doute un sujet de débats.
Comme le répète le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz, le coût de la guerre dépasse de loin les dépenses immédiates, avec des décennies de chute de productivité parmi les nombreux vétérans traumatisés, les soins nécessaires pour des milliers de vétérans mutilés, ainsi que les familles détruites par le décès ou l’invalidité d’un de leurs membres. Il soutient que les guerres en Irak et en Afghanistan coûteront en fin de compte de 3.000 à 5.000 milliards de dollars.
L’une des principales raisons de l’élection à la présidence de Barack Obama est qu’en s’opposant publiquement à la guerre en Irak, il a obtenu la première nomination démocratique, puis l’élection générale. S’il adoptait la même approche avec la guerre en Afghanistan et rappelait les troupes, il pourrait devenir vraiment le « président du retour » en 2012 aussi.
Denis Moynihan a contribué à la recherche pour cet article.
Amy Goodman est une journaliste d’investigation primée et chroniqueuse d’agence, auteur et productrice déléguée de Democracy Now !
www.democracynow.org