Pressenza – Paris, 18/10/10 – Le 29 septembre dernier, l’Espagne a vécu une grève générale, la première à laquelle est confronté le gouvernement de Zapatero. Les syndicats, toujours en accord avec les socialistes n’ont pas pu faire la sourde oreille aux travailleurs qu’ils représentent et ont dû assumer le fait qu’avec ce genre de politique, ils ne pouvaient rester un allié du PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol).
La Grèce, avec ses dix grèves générales, montre le mécontentement de sa population. L’Union Européenne refuse de secourir le pays en situation de cessation de paiement. Elle lui propose des prêts destinés à payer les créanciers européens qui à leur tour, permettront à ces mêmes créanciers de re-prêter de l’argent à la Grèce afin que celle-ci le leur rende immédiatement, ajoutant les intérêts à payer dans l’avenir.
La foule rassemblée dans les rues grecques a fini par être prise de panique et de colère, entraînant des poursuites et affrontements avec la police. Ces mêmes faits se sont déroulés à Barcelone lors de la journée de grève générale, au moment de la manifestation organisée par les organisations syndicales.
Tant à Athènes, qu’à Salonique ou dans la capitale catalane, ce sont des jeunes qui ont alimenté ces altercations de manière organisée et spontanée. Emprisonnés dans leur colère liée au chômage, aux politiques intérieures répressives et à la privatisation de l’éducation qui la rend accessible uniquement aux nantis, ils montrent leur opposition radicale aux gouvernements nationaux et régionaux. Ces journées d’émeutes et d’arrestations se sont soldées par la mort de trois personnes.
À Barcelone, lors d’une campagne contre les « incivismes », il a été interdit de jouer de la musique dans la rue, de rouler à vélo sur les trottoirs ou de boire de l’alcool sur la voie publique. Les expulsions des squats sont permanentes, les policiers font preuve d’une dureté excessive.
Ces derniers mois, la Roumanie et la Bulgarie qui ont toutes deux réduit les salaires de leurs fonctionnaires de 25% ont également vécu des grèves générales, des protestations et des émeutes.
**Les menaces de José Manuel Barroso**
Les syndicats portugais ont déjà confirmé l’organisation d’une grève générale le 24 novembre. Ce sera la première du deuxième mandat de José Sócrates qui suit la ligne européenne de flexibilité du travail et d’austérité en ce qui concerne le budget de l’État.
José Manuel Durao Barroso, ancien président portugais et actuel président de la Commission européenne, a averti les populations espagnole, portugaise et grecque qu’elles devaient accepter les réformes et les plans d’ajustement si elles voulaient continuer à bénéficier de la démocratie. Si de tels plans ne pouvaient pas avoir lieu dans un État de droit, alors d’autres types de gouvernements (en référence à un gouvernement militaire) devraient se charger de les mettre en place.
Les paroles de Barroso, même réduites au silence par les médias, n’ont fait qu’encourager le ras le bol et l’irritation générale.
L’Italie a également vécu des moments extraordinaires. Les déclarations exaltées permanentes de Berlusconi et la polarisation toujours plus marquée entre partisans et opposants ont mis le pays à la croisée des chemins. Sans cohésion dans leurs plaintes, les voix dissidentes se sont perdues dans les eaux monopolistiques du chef milanais.
Ce n’est pas un hasard si les mouvements altermondialistes européens ont vécu, il y a quelques années en Italie (Gêne), la répression la plus autoritaire et sanglante, utilisant comme prétexte l’accusation de terroristes à tout le mouvement associatif (entraînant par la suite poursuites juridiques et espionnage permanent dans toute la zone Schenggen).
**“Les économistes atterrés”**
En France également, l’âge minimum de la retraite a été augmenté, le nombre de personnes au chômage continue à croître et les coupes budgétaires sont légions. C’est pourquoi, le 2 octobre, 3 millions de français ont manifesté contre toutes ces mesures et le 23 septembre dernier a eu lieu la quinzième grève générale en réponse au nouveau plan de retraite. Cette semaine, une grève illimitée a été entamée par divers syndicats, dont celui des chemins de fer, ce qui pourrait entrainer de sérieux problèmes sur tout le territoire français
Philippe Askenazy, du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), Thomas Coutrot d’Attac, André Orléan de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) et Henri Sterdyniak de l’Observatoire français des conjonctures économiques ont lancé le manifeste des “Economistes atterrés”, avalisé, en plus de leur prestige personnel, par 400 autres collègues.
Ce manifeste inquiétant prétend ouvrir un débat profond : “Cette crise majeure doit provoquer une refonte de la pensée économique”. Les signataires s’opposent aux dogmes de sauvetage que brandissent les défenseurs du marché. Ils y dénoncent le fonctionnement spéculatif des marchés boursiers qui génèrent des profits qui ne sont pas réinvestis, ce qui provoque un effondrement dès lors que le gain est poursuivi tout en investissant chaque fois moins.
L’Europe continue de monter dans un train en feu : les hongrois se serrent la ceinture chaque jour un peu plus, les polonais et les autrichiens vivent une expérience politique très proche de l’extrême droite, les allemands voient leurs indices de pauvreté augmenter tout en continuant de dessiner une croissance stable ; en effet, l’économie allemande subsiste grâce à ses exportations et à sa politique protectionniste, mais les baisses successives des salaires ont laissé sa population avec un pouvoir d’achat totalement épuisé.
Dans les îles, le scénario n’est pas tellement différent, l’Irlande a battu des records de coupes budgétaires et le Royaume-Uni continue de regarder plus en direction de son allié de l’autre côté de l’Atlantique qu’en direction de ses voisins du continent.
Les pays scandinaves maintiennent leurs politiques d’austérité soutenues par les géants de l’industrie, qui continuent de s’approprier les ressources naturelles de toute la planète. Le cas de l’Islande est un cas à part, elle a vécu dans sa chair la chute du système, y compris la chute de son gouvernement et où l’on cherche à installer le nouvel échiquier sur lequel continuer la partie.Le résultat ne sera pas aussi incendiaire.
Face à un scénario de crise généralisée sur le Vieux continent, il est clair que si les prescriptions économiques continuent à rapiécer un costume trop petit pour l’humanité, l’échec est évident. Le point le plus grave de cet échec est la douleur et la mort qu’il entraîne. Elles sont parfois imperceptibles, mais parfois aussi, explosent devant nos yeux.
Traduction de Muriel Berne