Cette année, le prix de la Paix de la Westphalie sera remis au chef d’orchestre et pianiste Daniel Barenboïm, et à ses jeunes musiciens qui forment le West-Eastern Divan Orchestra (Orchestre Divan orient-occident). Selon les organisateurs de l’initiative, Barenboïm s’est fixé comme but dans la vie d’encourager l’intercompréhension entre les peuples, et le dialogue au Moyen-Orient; il a fait de nombreux efforts pour le rapprochement et la réconciliation des Palestiniens et des Israéliens. Le juge du prix a affirmé que « le chef d’orchestre et pianiste n’a pas uniquement investi dans le pouvoir de la parole de l’orateur, mais également dans le pouvoir de la musique et du travail en équipe de l’orchestre West-Eastern Divan ».
Daniel Barenboïm a 64 ans. Il est né en 1942, en Argentine. Sa famille, d’origine juive, a émigré en Israël en 1952. Après une carrière réussie comme chef d’orchestre et pianiste, il a créé en 1999, avec Edward Said, écrivain et philosophe palestinien, le West-Eastern Divan Orchestra (dont le nom est inspiré d’une anthologie de livres du dramaturge allemand J.W. Goethe). Ils ont rassemblé de jeunes musiciens israéliens, palestiniens et arabes (juifs, musulmans et chrétiens), non seulement afin qu’ils apprennent la musique, mais également pour qu’ils parviennent à passer au-dessus de la méfiance et de la haine, et qu’ils acceptent le passé des autres.
L’orchestre est installé dans la ville de Séville, en Andalousie, dans la province de Grenade où cohabitent en paix depuis des siècles, des juifs, des musulmans et des chrétiens. Pendant l’été, l’orchestre parcourt les cinq continents pour donner des représentations. La plus mémorable fut celle d’août 2005, à Ramallah, la capitale du gouvernement autonome palestinien. Le concert de sensibilisation mondiale avait été diffusé sur les écrans du monde entier. Les membres de l’orchestre ont fait remarquer lors d’une apparition publique que « Barenboïm dit toujours que ce projet n’est pas politique. Mais c’est un discours politique des deux côtés. L’orchestre est un laboratoire humain qui peut montrer à tout le monde comment il est possible de cohabiter avec l’autre ».
À Berlin, Barenboïm a déclaré que « c’est un grand honneur tant pour l’orchestre West-Eastern Divan que pour [lui] de recevoir ce prix ensemble. […] Ce sont principalement ces jeunes musiciens d’Israël, du monde arabe et d’Espagne qui font avancer ce projet grâce à leur engagement personnel. À la différence de Münster et d’Osnabrück, aujourd’hui au Moyen-Orient, nous sommes loin de trouver une solution pacifique. Avant de parler d’un accord, il faut comprendre que le conflit au Moyen-Orient n’est pas un affrontement entre des pays, mais entre des peuples qui sont convaincus qu’ils ont le droit de vivre sur la même portion de terre. Le conflit n’est ni militaire, ni politique. Il est humain. Voilà pourquoi les musiciens qui évoluent au sein de cet orchestre sans porter attention à leur supériorité constituent une alternative à la morale de la région ».
Selon le Dr. Reinhard Zinkann, premier président la Société économique de Westfalen Lippe et responsable d’affaires de la consultante allemande, Mme Miele, « Daniel Barenboïm et l’orchestre West-Eastern Divan sont ensemble l’expression de la force universelle de la musique. Il s’agit d’une initiative culturelle qui à son tour a des aspirations politiques et un désir de rapprochement et de cohabitation pacifique entre les groupes en conflit ». Il a ajouté que « grâce au prix pour la paix, nous conservons le souvenir de ce que les délégués ont accordé à Münster et Osnabrück en 1648 ».
L’accord avait mis fin à la guerre de Trente Ans en Allemagne, et à la guerre de Quatre-vingts Ans entre l’Espagne et les Pays-Bas. Il a été encouragé par le rêve d’une paix durable, qui mobiliserait non seulement les États signataires de l’accord de paix, mais également les hommes de toute l’Europe et du monde entier. « La coutume se maintient jusqu’à aujourd’hui, et donne du sens à la remise du prix de la Paix de la Westphalie tous les deux ans », a affirmé Zinkann.
La cérémonie de remise du prix aura lieu le 30 octobre, dans la mairie de la ville allemande de Münster. C’est dans ce même lieu historique que les précédents lauréats se sont vu remettre leur prix de 1998 à 2008 : le premier président de la République tchèque, Václav Havel; l’ancien premier ministre allemand, Helmut Kohl; l’ancienne chef fiscale du Tribunal pénal international de l’Organisation des Nations Unies (ONU), Carla del Ponte; le directeur et opposant pacifique aux politiques de la République démocratique d’Allemagne (RDA), Kurt Masur; l’ancien président français, Valéry Giscard d’Estaing; et l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Koffi Annan. Le prix est remis depuis le 350e anniversaire des traités de paix de Münster et d’Osnabrück.
Suivant les traces de ces personnalités qui ont consacré leur vie pour la paix en Europe et dans le reste du monde, ce sont des jeunes qui ont reçu ce prix. Grâce à leurs actions, ils sont un exemple de la réconciliation politique, sociale et écologique (comme les Sternsinger, un groupe de chant de Noël solidaire (2004) ou les Jóvenes Voluntarios de la Orden de Malta [Jeunes bénévoles de l’ordre de Malte] (2008), qui ont aidé de jeunes handicapés en zones de guerre ou de crise. Une somme de 50 000 € sera partagée entre tous les lauréats.
Traduction : Patricia Pépin