La sentence, prononcée dans l’enceinte de la prison d’Insein, au nord de Rangoun, a entraîné des menaces de nouvelles sanctions de la part de l’Union européenne, car elle signifie que Mme Suu Kyi sera vraisemblablement écartée d’élections promises par la junte birmane pour l’année prochaine.
Un tribunal spécial a reconnu Mme Suu Kyi coupable d’avoir violé les termes régissant depuis 2003 son assignation à résidence et l’a condamnée à trois ans de prison et de travaux forcés, mais un ministre a annoncé que la peine avait été commuée en 18 mois de résidence surveillée.
Mme Suu Kyi (64 ans) était accusée d’avoir brièvement hébergé en mai dernier un Américain, John Yettaw, qui s’était invité chez elle après avoir nagé jusqu’à son domicile, situé au bord d’un lac.
« Merci pour le verdict », a déclaré Mme Suu Kyi, sur un ton sarcastique, à la lecture de la condamnation.
Elle portait une tenue traditionnelle birmane mêlant le rose et le gris clair, et son visage semblait fermé, selon une journaliste de l’AFP présente au tribunal.
Le ministre birman des Affaires intérieures, le général Maung Oo, a ensuite fait une entrée surprise à la Cour et annoncé que Than Shwe, numéro un de la junte, avait signé un décret spécial commuant la peine de prison en résidence surveillée.
« Aung San Suu Kyi est la fille du général Aung San », héros de l’indépendance birmane assassiné en 1947, et la réduction de peine vise à garantir « la sécurité pacifique du pays et aussi à avancer vers la démocratisation », a affirmé ce général.
Il n’a pas exclu que la peine soit encore réduite si Mme Suu Kyi se comportait bien pendant sa nouvelle période d’assignation à résidence.
De son côté, John Yettaw, mormon américain de 54 ans à l’origine de la mise en accusation de l’opposante, a été condamné au total à sept ans de prison et de travaux forcés. Il a écopé de trois ans pour avoir enfreint des lois sécuritaires, trois ans pour violations des lois sur l’immigration et d’un an pour avoir nagé illégalement dans un lac de Rangoun.
Le sénateur démocrate américain Jim Webb, qui préside la sous-commission des Affaires étrangères du Sénat pour l’Asie de l’Est et le Pacifique, doit se rendre le week-end prochain en Birmanie. Il s’agira de la première visite d’un parlementaire américain depuis plus de 10 ans.
La figure de proue de l’opposition birmane a été reconduite à son domicile, un transfèrement sous haute sécurité.
Ses deux dames de compagnie, Khin Khin Win et Win Ma Ma, qui étaient aussi jugées, ont écopé de la même peine que Mme Suu Kyi (18 mois de résidence surveillée).
Mme Suu Kyi et ses assistantes étaient passibles de cinq ans de prison et le régime a voulu donner l’impression qu’il tenait compte des appels internationaux et qu’il était prêt à faire preuve de clémence, ont estimé des analystes.
Toujours est-il que Mme Suu Kyi restera privée de liberté dans un avenir proche. La lauréate du prix Nobel de la paix 1991 –qui dirige la Ligue nationale pour la démocratie (LND), principal parti d’opposition en Birmanie– a été maintenue en isolement pendant 14 des 20 dernières années.
La condamnation de Mme Suu Kyi a suscité un sentiment immédiat de « tristesse » et de « colère » chez le Premier ministre britannique Gordon Brown qui a dénoncé « la mascarade de procès d’Aung San Suu Kyi ».
Le président français Nicolas Sarkozy a qualifié le verdict de « brutal » et « d’injuste ».
La présidence suédoise de l’Union européenne (UE) a réclamé la « libération immédiate sans conditions » de Mme Suu Kyi et annoncé de « nouvelles mesures ciblées » à l’égard du régime birman.
La Birmanie est depuis plus d’une décennie sous le coup de sanctions européennes et américaines, renforcées après l’écrasement de la révolte des moines bouddhistes en 2007.
Le ministre malaisien des Affaires étrangères Anifah Aman a appelé à une réunion d’urgence de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), dont la Birmanie est membre.
« Avec cette condamnation, Aung San Suu Kyi n’a aucun moyen de participer à l’élection de l’année prochaine, qui devrait être libre et juste ».
Source : AFP